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mercredi 4 septembre 2013

Inégalités d'hier et d'aujourd'hui

Hériter ou travailler?
                                   Certes, le rentier balzacien a vécu (en 1900, la France compte 5% de rentiers, bourgeois ou aristocrates qui se contentent de percevoir le loyer de leurs terres et qui vivent dans un monde de loisirs), mais la rente, qui nuit à l'investissement productif et reproduit et amplifie les inégalités le plus marquées, n'a pas disparu de l'horizon économique, même si elle a changé de visage, surtout depuis une quarantaine d'années. Il y a rente et rente. Il y a épargne de précaution et accumulation.Sans parler de la rente légitime, que constitue la retraite, qui n'est qu'un salaire prolongé, le rentier est toujours là, adossé à son patrimoine, qui spécule plus qu'il ne travaille, qui hérite plus qu'il ne mérite.
Les (de plus en plus) riches rentiers d'aujourd'hui compromettent l’avenir...
         Comme le faisait déjà remarquer l’économiste Thomas Piketty en 2010, aujourd’hui « le rentier et le spéculateur dominent le cadre et l’entrepreneur : le passé dévore l’avenir ».
Le sociologue Christian Baudelot insiste sur cette nouvelle donne sociale qui consacre le triomphe de l’héritage sur le mérite. Car le flux annuel de patrimoine immobilier et financier transmis par voie d’héritage atteint les 15 % en 2010, alors qu’il n’était que de 5 % en 1950. Or « une méritocratie menacée, c’est une démocratie en péril. »
Les rentiers, qui ont horreur de l'inflation, même minime, bloquent toute possibilité de jouer occasionnelement un peu avec une mesure parfois nécessaire pour relancer une économie défaillante, en stimulant les exportations. Dans une économie de spéculation et de rentiers à vue courte, le développement de la rente favorise les profondes inégalités, le chômage, comme le remarque Pierre Rosanvallon dans son introduction à Refaire société.
          Faut-il donc euthanasier les banquiers, comme disait Keynes par boutade?
                                       Piketty, Directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales et professeur à l’Ecole d’économie de Paris,  a publié déjà des travaux marquants, dont Les hauts revenus en France au XXe siècle, ou encore, en collaboration avec Camille Landais et Emmanuel Saez, Pour une révolution fiscale , un ouvrage qui a marqué les débats économiques à gauche et dont le parti socialiste s’est inspiré, avant que François Hollande ne finisse  par opter pour le conservatisme fiscal.
...Thomas Piketty a aussi souvent pris la parole : une fois dans un face-à-face avec François Hollande, en ouverture de la campagne présidentielle ( ici), et de nombreuses autres fois pour analyser la politique fiscale du gouvernement et la déception qu’elle lui inspirait ()...
  Le rendement du capital, dit-il,  est de 4 à 5 % en moyenne, parfois davantage. Cela signifie que, structurellement, le taux de rendement du capital est quatre ou cinq fois plus fort que le taux de croissance. Concrètement, cela veut dire que le patrimoine constitué dans le passé se recapitalise tout seul et que le passé dévore l’avenir. En période de croissance faible, on assiste à un retour de l’héritage et un accroissement vertigineux des inégalités de patrimoine. Ce qui a été constitué dans le passé progresse en effet beaucoup plus vite que les revenus issus de la production, notamment les revenus du travail et les salaires.
... La situation où le taux de rendement du capital est supérieur au taux de croissance crée, naturellement, des inégalités très fortes. Cela durcit et renforce les positions acquises dans le passé. Les patrimoines du passé se recapitalisent plus vite que la croissance de l’économie, en particulier plus vite que ce que les personnes qui n’ont que les revenus de leur travail. Tout cela amplifie donc considérablement les inégalités initiales, même si je pense qu’on n’aura pas une croissance nulle, mais plutôt une croissance faiblement positive. Mais cette situation suffit à conduire à un monde tellement inégalitaire qu’il ne me semble guère compatible avec la démocratie construite dans le cadre des États-Nations au XIXe et au XXe siècle..."
       Un système fiscal indéchiffrable et à l'agonie ne pourra inverser la tendance.
  La révolution fiscale n'a pas eu lieu, qui aurait pu mettre fin notamment aux cadeaux fiscaux et taxer d'avantage l'héritage, comme dans certains pays, dans le cadre d'une réhabilitation de l'impôt,  qui n'est pas une horrible spoliation
                             "Alors que les revenus du patrimoine ne représentent en moyenne que 2 à 3 % des ressources des 90 % des Français les plus modestes, ils pèsent la moitié de celles des 0,01 % les plus riches. La rente occupe donc une place de premier plan dans le monde des riches. Le Crédit Suisse recense chaque année, au niveau mondial, le nombre d’adultes possédant un patrimoine supérieur à 1 million de dollars. Selon les calculs de cette banque, la France rassemble 8 % de ces grosses richesses, ce qui la place au 3e rang mondial. Mais d’où vient le patrimoine de ces quelque 2 millions de personnes ? Le plus souvent, non pas des revenus accumulés par le travail des intéressés, mais… de l’héritage.
Ainsi, parmi les 15 milliardaires français qui apparaissent dans le classement FORBES de 2012, 60 % doivent l’essentiel de leur patrimoine à leurs parents. On est bien loin de l’entrepreneur audacieux et créatif ! Tout cela, les politiques le savent parfaitement. C’est pourquoi il faut s’attaquer aux racines des inégalités, en sachant bien que si l’arme fiscale est importante, la maîtrise de la production et la gestion des richesses le sont encore plus..." (FC)
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- Les êtres humains, dont les Français, n’ont jamais été aussi riches
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