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mardi 10 avril 2018

Pas de chance!

Billet pas déprimant.

                                             Certains naissent avec un grand sourire scotché à leurs livres.  Moi, je m'ennuyais déjà dans les couloirs de la maternité. Et depuis, cela ne s'est pas arrangé. Je ne suis pas doué pour le bonheur.   

Il faudrait vérifier mais je suis à peu près sûr que le jour de ma naissance il pleuvait comme au jour du Déluge. À l'heure même où je pointais la tête hors du ventre maternel –funeste erreur!– une averse a dû se mettre à tomber, un orage a grondé au loin, des éclairs ont déchiré le ciel tandis qu'à la radio passait en boucle le premier disque de Leonard Cohen. Avant même d'aspirer ma première bouffée d'air frais, avant même d'éructer mon premier cri, d'instinct, je savais déjà que les choses iraient de mal en pis. J'en ai même fait une jaunisse. Une vraie. Ma première crise existentielle.
  Quand j'ai quitté la clinique, le personnel a poussé un ouf de soulagement. Encore une semaine, et il se mettait en grève. Pendant des mois, j'ai gardé le lit. À chaque fois que mes parents essayaient de me mettre dans le landau, je hurlais à la mort. J'en avais déjà vu assez. Je voulais juste qu'on me laisse dormir en paix. J'avais le teint si pâle et la mine si blafarde qu'on jugeât plus sûr de me mettre sous antidépresseurs avant même d'avoir atteint ma première année. Pour calmer mes nerfs débiles, on m'administrait des biberons au Valium. Et pour attendrir mes crises d'angoisse, on projetait sur les murs de ma chambre l'intégrale des films de Bergman.
  Arrivé à l'âge de trois ans, je refusais d'aller à la maternelle. Je n'en voyais pas l’intérêt. J'étais si peu doué pour socialiser que ma mère payait pour qu'on m'invitât à des goûters d'anniversaire auxquels je me rendais à contre-cœur. Je restais là des heures à converser avec mon ombre. Au moment d'entonner «Joyeux anniversaire», quand la maîtresse de maison apportait le gâteau, je profitais de l'obscurité et prenais la tangente: j'errais dans les rues jusqu'à ce que la police me trouve.
  Au collège et au lycée, je passais comme une ombre. Quand mes parents venaient rencontrer mes professeurs, ils devaient leur montrer ma photo pour que ces derniers apprennent que j'assistais bien à leurs cours et se remémorent qui j'étais. Durant tout le temps que dura ma scolarité, je n'ouvrais pas la bouche. Pas une seule fois. C'est que je n'avais rien à dire. Rien à déclarer. J'attendais juste que le temps passe. Je m'ennuyais tellement que je pouvais passer des heures entières à compter le nombre de pigeons qui sautillaient dans la cour. Quand arriva le jour de ma bar-mitzvah, je fus si réticent à lire la Paracha que le rabbin me menaça d'excommunication. Ce jour-là, je m'enivrai si fort que je mis trente ans à dessoûler. 
J'allais dans la vie comme un zombie. On me donna le baccalauréat, je m'inscrivis à l'université où jamais je ne mis les pieds. Je passais mes journées à marcher, à traîner dans les bibliothèques municipales, à voler les Temesta de ma mère que je croquais comme des bonbons. J'étais paresseux, oisif, mélancolique. Je prenais des poses. Je lisais des romans savants auxquels je ne comprenais rien. La vie m'ennuyait horriblement. Hormis le football, je n'avais aucune passion. Aucune envie. Aucun désir. Tous les métiers me dégoûtaient. Les adultes me navraient. Quand je me regardais dans la glace, je prenais peur. Je n'entendais rien à la vie. Elle m'effrayait. Je ne voulais rien à voir avec elle. La mort m'obsédait. Je vivais au ralenti. À l'économie. J'attendais que quelque chose se passe tout en sachant que rien n'arrive jamais. Je tombais amoureux à chaque fille rencontrée, je lui écrivais des poèmes longs comme des romans, je promettais l'amour éternel, l'embrasement des sens, je citais Rimbaud et Baudelaire. Elle prenait peur et me quittait au petit matin, sans demander son reste.
      J'écoutais Brel pour tenir le coup. Et Leonard Cohen. Je me sentais moins seul. Quand mon premier roman est paru, j'ai été comme soulagé. À défaut d'avoir un vrai métier, je pouvais prétendre que j'occupais mes journées à écrire. Toujours, je me tenais à l'écart de la société. Je pouvais passer des semaines entières sans voir personne. Je grognais plus que je ne parlais. Je buvais plus que de mesure. Je prenais des cachets comme d'autres achètent leur baguette matinale. Je dépérissais.
      Et ma jeunesse a passé sans même que je ne m'en rende compte.
       J'étais né vieux. Et chauve. Double infortune.
   J'ai écrit d'autres livres, publié des articles, visité des villes, exploré des pays. Rien ne trouvait grâce à mes yeux. J'étais mal partout. Je pleurais sans raison. Je riais comme un ahuri de seconde zone. J'avais l'humeur chagrine, le tempérament nerveux, l'allure hésitante. Je tombai malade. Ce fut une chance. Je quittai la France pour ne plus jamais revenir. J'habitais dans une ville où il pleuvait neuf jours sur sept. Et quinze mois sur douze. J'avais trouvé mon idéal.
    Maintenant j'ai cinquante ans, je suis toujours aussi chauve, j'écoute de la musique classique, je bois du thé vert, je fais du vélo d'appartement, j'ai un chat, j'ai fini par trouver une femme qui me supporte, je n'ai pas de dettes mais je n'ai pas d'argent non plus. Je suis presque heureux. Et je n'attends rien de la vie.
     Je suis né déprimé, je mourrai dépressif.    (Laurent Sagalovitch sur Slate)
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         Une forme d'humour juif, parmi tant d'autres     Juif, mais pas trop...
    Un humour qui remonte à loin.     A remettre dans son contexte et une histoire compliquée, parfois douloureuse.
      Romain Gary le définit comme Une déclaration de dignité, une affirmation de la supériorité de l'homme sur ce qui lui arrive.  
    Même le pire. Les exemples abondent:
       * Qu'est'ce que l'humour juif? C'est comme l'humour allemand, mais avec l'humour en plus
         * Voici les 4 affirmations qui prouvent que Jésus était juif: 
1) Il a habité chez sa mère jusqu'à 30 ans 
2) Il croyait que sa mère était vierge 
3) Sa mère le prenait pour un dieu 
4) Avec l'entreprise de charpentier de son père, il a fait une multinationale 
qui marche encore 2000 ans plus tard 
            *Dieu a dit aux Juifs : Vous êtes le peuple élu... 
Mmmh, à mon avis, il y a ballottage.    
(Woody Allen) 
L'autodérision aide à vivre, qu'elle soit d'inspiration juive ou pas. Une forme de résistance...
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