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lundi 26 juillet 2010

Cadeaux fiscaux et dette publique


Ces dix années de cadeaux fiscaux qui ont ruiné la France

«Pourquoi faire payer les riches? Faisons payer les pauvres, ils sont beaucoup plus nombreux...»

L’épouvantail de la dette publique , dont on connaît mieux la genèse, indépendamment des effets de la crise financière présente et de ses conséquences, agité à des fins qui ne sont pas innocentes, a le don d'embrouiller les esprits et d'effrayer l'opinion, tétanisée par la "rigueur"
Comment sortir d'un système où les riches trinquent et les pauvres dégustent
Bientôt le retour de l'impôt, diabolisé dans la pensée néolibérale depuis Reagan ?
Une révolution fiscale en marche ?
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"...Depuis de longs mois, Nicolas Sarkozy et, derrière lui, tout le gouvernement s'appliquent à convaincre l'opinion que les mesures d'économies drastiques qui se profilent dans le cadre du projet de loi de finances pour 2011 sont l'inévitable contrepartie de la crise économique. Mais en réalité,
si les finances publiques françaises sont en si piteux état, c'est d'abord parce qu'elles ont été ruinées par la politique de baisse des impôts conduite depuis dix ans. C'est ce qu'établissent très clairement trois rapports publics publiés ces derniers mois: sans cette avalanche de cadeaux fiscaux au profit des plus riches, les moins favorisés ne seraient pas aujourd'hui menacés par ce plan d'austérité.
____________________________________En bref,
la crise a bon dos. Car si la France n'avait pas participé à cette course effrénée au moins-disant fiscal, elle aurait certes été prise dans les turbulences de cette crise sans précédent, mais ses finances publiques auraient été largement assez prospères pour traverser cette tempête._Ce constat iconoclaste est passé pour l'heure presque inaperçu parce qu'il ne figure pas en introduction ni en conclusion de l'un ou l'autre de ces trois rapports publics. Il transparaît juste au détour de certaines pages. Mais les indications données et les chiffres cités sont si éloquents qu'ils retiennent l'attention: sans cette course folle aux baisses d'impôts, qui s'est accélérée au cours de ces dix dernières années, la France serait dans une situation financière tout à fait confortable, même à la sortie de cette crise économique historique.
___Compte tenu de ses auteurs, qui sont Jean-Philippe Cotis, l'actuel directeur général de l'Insee, et son prédécesseur, Paul Champsaur, le premier de ces documents est au-dessus de tout soupçon. Il s'agit du «
Rapport sur la situation des finances publiques» qui a été rendu public le 20 mai, en ouverture de la Conférence sur les déficits qui s'est tenue à l'Elysée et que l'on peut consulter ci-dessous. A l'époque, déjà, le chef de l'Etat et le premier ministre tendaient à accréditer l'idée auprès de l'opinion que la France vivait au-dessus de ses moyens et que des coupes claires dans les dépenses de l'Etat étaient une priorité absolue de la politique économique. Dans le même mouvement, le chef de l'Etat a mille fois répété qu'il ne fallait pas compter sur lui pour relever les impôts....
Ce rapport, au détour d'une démonstration, pointe une réalité dont le gouvernement ne parle jamais: si les finances publiques sont délabrées, c'est effectivement du fait d'abord des baisses d'impôt. C'est dit rapidement (à la page 13 du document), mais c'est dit clairement: «Depuis 1999, l'ensemble des mesures nouvelles prises en matière de prélèvements obligatoires ont ainsi réduit les recettes publiques de près de 3 points de PIB: une première fois entre 1999 et 2002; une deuxième fois entre 2006 et 2008. Si la législation était restée celle de 1999, le taux de prélèvements obligatoires serait passé de 44,3 % en 1999 à 45,3 % en 2008. En pratique, après réduction des prélèvements, ce taux a été ramené à 42,5 %. À titre d'illustration, en l'absence de baisses de prélèvements, la dette publique serait environ 20 points de PIB plus faible aujourd'hui qu'elle ne l'est en réalité générant ainsi une économie annuelle de charges d'intérêt de 0,5 point de PIB.»...
__________Ce premier rapport public a levé un tabou. Car, dans la foulée, un autre a été publié, en prévision du traditionnel Débat d'orientation budgétaire (DOB) qui s'est tenu le 6 juillet dernier à l'Assemblée nationale. Portant la signature de Gille Carrez, le rapporteur général (UMP) de l'Assemblée nationale, ce document présente lui aussi toutes les garanties de sérieux. Issu de la droite, l'expert est respecté dans son camp, mais tout autant à gauche...
Selon le rapport Carrez, sans les baisses d'impôts, les déficits publics de 2010 seraient seulement de... 1,8%! Respectant ses engagements européens, la France ferait figure de bon élève de la zone euro et n'aurait pas à envisager un plan d'austérité.
Mais l'intérêt de ce rapport écrit (avec un indéniable courage pour un membre de la majorité UMP) par Gilles Carrez, c'est qu'il s'applique aussi à évaluer qui ont été les principaux bénéficiaires de ces 77,7 milliards d'euros de baisses d'impôts depuis dix ans. Et là encore, la réponse est très éclairante. S'appuyant sur le graphique ci-contre, le rapport écrit: «La moitié des allègements fiscaux décidés entre 2000 et 2009 ont concerné l'impôt sur le revenu. Le manque à gagner en 2009 sur le produit de cet impôt s'établit en effet à environ 2% de PIB, contre 0,6% de PIB pour la TVA et 0,5% de PIB pour l'Impôt sur les sociétés (IS)...
Ces baisses d'impôts ont donc été très inégalitaires. Le constat est même encore plus marqué que cela puisque, à ces baisses, il faut encore ajouter celles décidées par 2007 par Nicolas Sarkozy, portant sur l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), le bouclier fiscal ou encore les droits de successions. Dans ces cas, ce sont même les plus grandes fortunes qui sont sorties gagnantes de cette irresponsable politique fiscale. L'enquête conduite par Mediapart sur les impôts versés par Liliane Bettancourt (voir notre article Liliane Bettancourt: cherchez l'impôt!)- Bienvenue au club! -
vient illustrer cette tendance: la milliardaire est en effet soumise à une imposition équivalente à seulement 20% de ses revenus (avant restitution du bouclier fiscal) et à 0,17% de son patrimoine. Ce qui est vraiment dérisoire au regard des taux marginaux d'imposition que la droite fait mine de juger souvent écrasants, et qui culminent à 40% pour l'impôt sur le revenu et à 1,8% pour l'impôt sur la fortune.
Mais la liste des bénéficiaires des baisses d'impôts ne s'arrête pas là. Il faut encore ajouter les entreprises qui, sous la forme d'allègements divers de l'impôt sur les sociétés, ont bénéficié de presque 10 milliards d'euros (9,8 milliards d'euros pour être précis) de baisses, par des biais multiplies, qu'il s'agisse du crédit d'impôt recherche, du prêt à taux zéro ou encore de la taxation à taux réduit des plus-values à long terme de titres de participations.
Et puis à toutes ces baisses, il faut encore ajouter celles qui ont profité à la TVA, dont la plus stupide et la plus coûteuse, celle qui a profité aux restaurateurs pour un coût de seulement 1,25 milliard d'euros en 2009 mais de 3 milliards en année pleine.
En bref, depuis dix ans, les ménages les plus riches ont été les plus choyés. Et aussi les entreprises. Mais pas n'importe quelles entreprises. Car un troisième rapport permet d'achever notre tableau consternant des baisses d'impôts en relevant que les entreprises fiscalement les mieux dorlotées ont été celles qui en avaient sans doute le moins besoin: les plus grandes entreprises, celles du CAC 40. Et pendant ce temps-là, les plus petites entreprises, elles, ont payé leurs impôts plein pot. En clair, dans ce domaine-là aussi, les cadeaux fiscaux ont été distribués de manière gravement inégalitaire, avec un bonus pour les gros contribuables et un malus pour les petits.Etabli en octobre 2009 par le Conseil des prélèvements obligatoires, un organisme adossé à la Cour des comptes dont les avis sont difficilement contestables, ce troisième rapport – que l'on peut consulter ci-dessous – a pour objet «les prélèvements obligatoires des entreprises dans une économie globalisée»...
__________On y apprend que les mesures d'abattements et d'exonérations (ce que les experts appellent les dépenses fiscales, ou si l'on préfère les « niches ») au profit des entreprises «se sont multipliées ces dernières années». Ainsi, pour 2009, le total des niches fiscales est évalué à 69,1 milliards d'euros; et, sur ce montant, 29,5 milliards d'euros profitent aux entreprises sous forme de fiscalité dérogatoire.
Or, ce sont à l'évidence les très grandes entreprises qui ont su capter le mieux ses baisses d'impôt, en mettant en œuvre des pratiques très sophistiquées dites d'optimisation fiscale. Le résultat (détaillé aux pages 158 à 160 du rapport) est accablant: les grandes entreprises ne paient effectivement que très peu d'impôt alors que les petites paient en proportion nettement plus qu'elles.
Face à ces chiffres fournis par ces trois rapports, cette politique de rigueur apparaît donc marquée d'une spectaculaire injustice. Car si ces cadeaux fiscaux n'avaient pas été distribués aux ménages les plus fortunés, si les grandes entreprises payaient l'impôt sur les sociétés au taux normal, ce tour de vis ne serait pas nécessaire.
C'est même plus grave que cela. Car au total, sur cette période de dix ans, c'est effectivement un formidable tour de bonneteau qui aura été organisé. Les gros contribuables (ménages et entreprises) auront profité d'allègements, qui sont à l'origine du plan d'austérité que les foyers modestes vont devoir maintenant supporter. En bref, la politique économique a organisé sur cette décennie un gigantesque transferts de revenus, au profit des plus fortunés, au détriment des plus modestes. Il faut donc dire les choses comme elles sont: une politique de classes!Très sévère pour Nicolas Sarkozy, qui a accentué les effets les plus néfastes de ce tour de passe-passe, avec comme mesure phare son célèbre bouclier fiscal, et qui pilote désormais le plan d'austérité, ce constat concerne aussi la gauche. Car dans ce bilan des baisses d'impôts conduites depuis dix ans, elle a aussi sa part de responsabilité.Car si les impôts ont au total baissé de 77,7 milliards d'euros au cours des années 2000-2009, les baisses s'élèvent à presque 26 milliards d'euros pour les seuls trois premiers exercices, ceux des années 2000-2002, comme le relève le rapport de Gilles Carrez (
Gilles Carrez (UMP): pour en finir avec la baisse des impôts! ). En clair, Lionel Jospin, épaulé par son ministre des finances, Laurent Fabius, ont les premiers enclenché cette très inégalitaire mécanique, notamment en organisant une baisse massive de l'impôt sur le revenu, l'impôt citoyen par excellence...."
(Laurent Mauduit)
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Dette publique: questions
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Dette publique : questions (1)___-Bonne ou mauvaise dette ?..____-De la crise financière à la dette des Etats

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