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lundi 20 mai 2013

Drôles de drones

Guerre à distance 
__________________Les drones, ces nouvelles technologies volantes, produits de l'aéronautique et de l'informatique,  peuvent rendre de multiples services civils, être très utiles pour des géographes, pour surveiller un territoire en cas d'accidents majeurs, etc..."Leurs applications civiles incluent les contrôles sur le trafic, la surveillance maritime, les opérations de recherches aériennes et de sauvetage, la récolte de données pour la prévision météorologique ou en environnement difficile (en zone de risque NRBC ; nucléaire, radiologique, bactériologique et chimique par exemple), le relais d'informations, la prise de photographies aériennes…" (Wiki)
Les drones civils sont promis à un rapide développements.
___Une technologie neutre en elle-même, comme toutes les innovations, mais qui peut être utilisée à des fins destructrices et changer la nature de la guerre et de la perception de la violence. Le développement des drones militaires tactiques, pré-stratégiques ou armés semble tenter beaucoup de pays, pour des raisons d'économie et de coût humain. Paris achète aussi des drones américains 
ou israëliens, pour rattraper son retard._Mais pour quel usage?
Les premiers drones ont été " élaborés pendant la guerre du Viêtnam, puis délaissés à la fin des années 1970, les drones ont poursuivi leur développement en Israël, avant de faire retour vers les États-Unis. Jusqu’au début des années 2000, ils n’étaient que des engins de renseignement, surveillance et reconnaissance. La métamorphose s’est opérée entre la guerre au Kosovo et celle d’Afghanistan. Au Kosovo, le désormais fameux Predator, mis au point par la firme General Atomics, se bornait à filmer et à illuminer des cibles au laser, afin de les désigner aux frappes des avions F16." (Mediapart)
Le président Obama en a fait un moyen personnel d'intervention antiterroriste...entretenant un fol amour pour les drones, une drone-mania très contestée, jugée comme un abus de pouvoir, dans un grand flou juridique.
« Il a promis de fermer Guantanamo, de mettre fin aux interrogatoires coercitifs et aux tribunaux militaires, et de restaurer les principes américains de la justice; pourtant, au cours de son premier mandat, il a fait marche arrière sur chacune de ces promesses, fait monter en puissance la guerre secrète des attaques de drones et les opérations clandestines. En coulisses, les débats déchirants entre « faucons » et « colombes » - ceux qui tueraient par rapport à ceux qui captureraient - a été un test pour le noyau même de l'identité du président. »
__Les drones à usage militaire ont de l'avenir . Ils sont "propres", ne font pas de prisonniers, ne traumatisent pas le tueur à distance, derrière sa console...Déjà, le pilote d'un bombardier US larguant sa cargaison de mort ne voyait jamais le visage d'un Vietnamien...Ici, la guerre devient encore plus abstraite, désincarnée, sans contact physique, sans émotions, une sorte de télétravail à distance...L'ordinateur rendrait la guerre presque clean...Un pas de plus vers la robotisation de la guerre.
Allons-nous vers des types de guerres déshumanisées, si tant est que la guerre puisse être humaine?..
C'est la philosophie de la guerre qui en est modifiée, comme le signale G.Chamayou:
"... Les forces armées américaines disposent de plus de 6 000 drones qui se déploient partout dans le monde, y compris dans des pays qui ne sont pas en guerre. Mais cette « dronisation » d’une part grandissante des forces armées ne constitue pas seulement un bouleversement technologique.
Cet « objet violent non identifié » affecte en effet des notions aussi élémentaires que « celles de zone ou de lieu (catégories géographiques et ontologiques), de vertu ou de bravoure (catégories éthiques), de guerre ou de conflit (catégories à la fois stratégiques et juridico-politiques) », explique Grégoire Chamayou dans son dernier livre...La dronisation de la guerre porte en elle une mutation de la manière de tuer, et des justifications pour le faire, qui ne fait pas seulement trembler le droit international. En permettant à la guerre, d’asymétrique qu’elle pouvait être, de se faire unilatérale et en brouillant la distinction entre combattants et non-combattants, le développement des drones cèle des conséquences vertigineuses, à la fois éthiques, juridiques et anthropologiques. « Plutôt que de se demander si la fin justifie les moyens », le philosophe doit donc se demander « ce que le choix de ces moyens, par lui-même, tend à imposer. »
Outre les bavures signalées sur le terrain, notamment en Afghanistan, la relative imprécision des drones, on peut aussi souligner la complexité et les risques de leur gestion dus notamment à la masse des données numériques à gérer, la surcharge des informations qu'ils induisent.
__"...Outre les frappes de personnalités inscrites sur une kill list approuvée en personne, et oralement, par le président des États-Unis, la majorité des cas où les drones opèrent sont constitués par des « frappes de signatures » : « Signatures pris ici au sens de traces, d’indices ou de caractéristiques définitionnelles. Celles-ci sont dirigées sur des individus dont l’identité demeure inconnue, mais dont le comportement laisse supposer, signale ou signe une appartenance à une “organisation terroriste”. »
Mais, souligne Grégoire Chamayou, « on frappe alors en ce cas sans connaître précisément l’identité des individus ciblés, sur cette seule base que leurs agissements, vus du ciel, dérogent à des normes et des habitudes que les États-Unis associent à un comportement suspect ». Et ce, bien que les formes demeurent imprécises et que l’on cible plutôt des téléphones que des noms, « alors même qu’un nombre croissant de numéros de téléphone de civils non combattants se met à apparaître sur la carte du réseau des insurgés ».
___"Sur le plan juridique, le drone ne rentre ni dans le cadre du droit de la guerre, ni dans celui du law enforcement exercé par les forces de l’ordre. D’un côté, « cette arme, parce qu’elle supprime tout rapport de combat, parce qu’elle transforme la guerre, d’asymétrique qu’elle pouvait être, en rapport unilatéral de mise à mort, privant structurellement l’ennemi de toute possibilité de combattre, glisse subrepticement hors du cadre normatif initialement prévu pour des conflits armés », d’autant que « le droit international ne reconnaît pas le droit de tuer avec des armes de guerre hors d’un conflit armé effectif ».
Pour Grégoire Chamayou, cette « violence armée à sens unique persiste pourtant à se dire “guerre” alors qu’elle a mis la guerre hors de combat. Elle prétend pouvoir continuer à appliquer à des situations d’exécutions ou d’abattage des catégories antérieurement forgées pour des situations de conflits. » Pour le philosophe, « la guerre n’est plus la guerre : elle se transforme en une sorte d’opération de police hors cadre ».
Mais il devient alors nécessaire de saisir ce qui sépare, dans l’usage de la force létale, « les prérogatives d’un soldat sur un champ de bataille de celles d’un officier de police en patrouille. Alors que le premier peut impunément “tirer pour tuer” sur toute cible militaire légitime, le second ne peut faire feu qu’en dernier recours, seulement à titre de réponse proportionnée à une menace imminente ».
"La guerre devenant fantôme et téléguidée, et les citoyens ni les soldats n’y risquant plus leur vie, le peuple n’aurait, à la limite, plus son mot à dire sur les actes de guerre. Ainsi, « la dronisation des forces armées altère, comme tout procédé d’externalisation des risques, les conditions de la décision guerrière. Le seuil du recours à la violence armée s’abaissant drastiquement, celle-ci tend à se présenter comme une option par défaut pour la politique étrangère », écrit le philosophe. Les drones opèrent en effet une triple réduction des coûts (politiques, économiques et réputationnels) et le fait de pouvoir agir sans prendre de risques, ni assumer de coûts trop importants, conduit à déresponsabiliser les agents des effets de leur décision...." (Mediapart)
______Il est temps que le droit international encadre l'usage croissant des drones.
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-France 5:  Drones tueurs et guerres secrètes.
- Les drones ont tué au moins 400 civils au Pakistan depuis 2004
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 Paru dans Agoravox 

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