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mercredi 26 avril 2017

Entre deux tours

Le peuple contre le peuple
                                           En cette période (pré)électorale surtout, la notion de peuple est invoquée par chacun un si grand nombre de fois, que bien des questions se posent sur la valeur de ce thème récurrent, qui finit parfois par devenir vide de sens, quand il n'est pas purement rhétorique ou démagogique,
    Parler au nom du peuple, n'est-ce pas parfois masquer ses propres intérêts partisans? C'est assez clair notamment pour quelqu'un comme Erdogan aujourd'hui, prétendant rassembler le peuple derrière sa bannière personnelle, agir dans l'intérêt collectif, alors qu'il ne s'agit que de promouvoir son propre arbitraire.
   Le peuple peut se tromper et être trompé.
      De même qu'un sujet peut aller contre son propre intérêt, parfois jusqu'à l'aveuglement et le renoncement, voire l'autodestruction.
    Un peuple ou une de ses parties peut se fourvoyer de bien des manières. Depuis Platon, les mises en garde ne manquent pas contre les confusions, voire les perversions dont le mot peut être porteur.
   Comme disait un témoin de la Révolution Française à propos de libertés dévoyées sous la Terreur, que de crimes on peut commettre en ton nom (Mme Rolland)
    La notion de peuple, si elle est incontournable, n'a donc pas à être sacralisée, fétichisée.
       Un peuple ou une partie de lui-même peut être bercé d'illusions, mal informé ou manipulé par des medias peu scrupuleux ou une propagande efficace et perverse.
 Le peuple peut être pris au jeu de ses propres passions, parfois destructrices ou autodestructrices.
         Le peuple n'est pas la masse et a une sens politique, dès l'instant où il a un destin commun, qu'il est structuré par des lois communes. Le peuple, tout en étant source de légitimité, ne peut se diriger en tant que tel, mais toujours par délégation, par représentation. Sauf, de manière limitée, quand le tirage au sort peut avoir lieu, comme dans la démocratie athénienne.
   Un peuple ne peut se concevoir que traversé par des contradictions, des tensions, et l'art de la politique  consistera toujours à faire des compromis et à renouveler les institutions, jamais parfaites, dans un libre débat organisé.
   On peut donc mal parler du peuple dans sa diversité, malgré le lien commun, mais on peut aussi s'y référer quand on s'efforce d'évoquer l'intérêt commun, présent et à long terme.
   On ne peut ignorer le peuple, sauf à vouloir établir la domination d'une élite technocratique ou le pouvoir relativement absolu.
   Loin d’être un régime dans lequel le peuple en personne gouverne, la démocratie n’est qu’un certain aménagement de l’asymétrie entre gouvernants et gouvernés, asymétrie propre à tout pouvoir. La démocratie n’est donc pas un régime qui aurait le don exceptionnel d’échapper au pouvoir et à la domination. La démocratie conçue comme autogouvernement n’a jamais existé. Elle ne doit pas être non plus un idéal politique, celui d’une société enfin transparente à elle-même et vidée de tout rapport de pouvoir, vers lequel il faudrait tendre. Notre expérience concrète de la démocratie, loin de confirmer la définition de la démocratie comme autogouvernement, l’invalide : nous, le peuple, nous ne gouvernons pas, nous consentons à déléguer notre pouvoir à des représentants....
    Et nous avons les représentants que nous méritons, dans une large mesure.
          Le populisme, notion souvent décriée, n'a pas que des acceptions douteuses. Si le souci du peuple, surtout des plus humbles, est revendiquée au nom d'un idéal d'égalité, on voit mal quel contenu dévoyé il pourrait induire.
     A l'heure où les institutions devraient être repensées, de même que l'élitisme au pouvoir, ou le fonctionnement de l'actuelle Europe, qui suscite bien des critiques (pour l'instant, il n'y a pas de peuple européen) , la notion de peuple, informé et actif, est à réinventer. A reconstruire. Non pas dans une unanimité impossible, mais dans une coexistence vivante toujours moins imparfaite.
     Le peuple n'a jamais fini de se construire comme peuple. L'éducation est le principal moteur.
             C'est un "contrat" toujours perfectible.
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