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vendredi 25 novembre 2016

Quand ça dissone en nous

            Dissonance cognitive
                                       Ce terme en apparence un peu barbare a été désigné par Orwell par un autre  plus accessible et intuitif, celui de la double-pensée.
    Il désigne une situation psychologique où la conscience se trouve prise comme entre deux feux, en proie à une tension interne, parfois une vraie contradiction, qui nécessite un résolution dans un sens ou dans l'autre, du fait de l'inconfort que cela engendre.
    Imaginons la situation de la fable de La Fontaine, qui illustre un aspect de ce phénomène, pas si rare qu'il y paraît:
    La fable Le Renard et les Raisins d'Ésope. Dans cette histoire, un renard voit des raisins qui sont en hauteur et il veut les manger. Comme le renard est incapable de trouver un moyen de les attraper, il décide que finalement les raisins ne valent pas la peine d'être mangés, avec la justification que les raisins ne sont probablement pas mûrs ou qu'ils sont trop acides. (D'où la locution courante « les raisins sont trop verts »). Cet exemple suit ce schéma de comportement : si quelqu'un désire quelque chose, mais qu'il le trouve inatteignable, il réduit sa dissonance en le critiquant.
        Le concept de dissonance cognitive est aussi lié au fait qu'il est plus difficile pour un individu de corriger des idées acquises depuis longtemps que d'apprendre des idées nouvelles pour lesquelles il ne dispose pas encore d'un modèle ou d'un système de représentation.     C'est la raison pour laquelle l'"éducation" des enfants revêt autant d'importance pour les religions, pour les régimes politiques totalitaires et même pour les grandes marques de produits de consommation.
   "Plus un apprentissage a été difficile, malaisé, douloureux ou même humiliant, moins l'individu est prêt à remettre en cause la valeur de ce qui lui a été enseigné. Cela signifierait en effet qu'il a investi et souffert pour rien."
          __ "Face au réel, ce qu'on croit savoir clairement offusque ce qu'on devrait savoir. Quand il se présente à la culture scientifique, l'esprit n'est jamais jeune. Il est même très vieux, car il a l'âge de ses préjugés." (Gaston Bachelard )
     De ses préjugés et de ses choix les plus spontanés, les moins analysés, les plus pulsionnels aussi.    ;Par exemple, je suis spontanément attiré pas des produits de consommation bon marché, mais je sais aussi, si je réfléchis un instant,  que leur fabrication a été faite dans des pays où les conditions de travail, de salaires, sont critiquables, et aussi que cette production se fait au détriment de la nôtre, entraînant un chômage à nos portes..Voulant faire des économies (par ex. sur un produit textile), j'entretiens objectivement les conditions d'une certaine précarité chez moi,.Cette contradiction interne est rarement résolue de  manière logique; cohérente; C'est le plus souvent les exigences du porte-monnaie qui l'emporte, le court terme sur le long terme, la coute vue sur l'analyse fondée.
.     Lorsque les croyances sont profondément ancrées, la plupart d’entre nous visent à les conserver intactes face à une réalité dérangeante. Nous mettons en place des processus psychologiques inconscients. Nous minimisons et oublions ce qui nous dérange, ou détournons notre attention, ou bien nous transformons et réinterprétons le réel de sorte que nos croyances restent intactes.
      Les croyances collectivement partagées sont prises pour des vérités indiscutables par tous, donc elles sont indiscutées. Même lorsque les faits démentent ces croyances, il vous faudra beaucoup de courage, d’abnégation et de détermination pour vous faire entendre et vous faire comprendre, surtout lorsque ces croyances infondées sont universellement partagées dans une communauté.
    Affronter de face ces croyances est plutôt risqué, voire contreproductif. Il faut éviter de provoquer le phénomène de dissonance cognitive chez votre interlocuteur. Instaurer un dialogue qui puisse déclencher un questionnement puis une prise de conscience semble à priori la meilleure solution, à condition de faire preuve de patience. C’est un combat de longue haleine.
   L’idée fondamentale de la novlangue, chez Orwell , dans le contexte politique, est de supprimer toutes les nuances d’une langue afin de ne conserver que des dichotomies qui renforcent l’influence de l’État, car le discours manichéen permet d'éliminer toute réflexion sur la complexité d'un problème : si tu n'es pas pour, tu es contre, il n'y a pas de milieu. Ce type de raisonnement binaire permet de favoriser les raisonnements à l'affect, et ainsi d'éliminer tout débat, toute discussion, et donc toute potentielle critique de l'État. Le phénomène de la double pensée  décrit la tension entre les valeurs et les impératifs exigés jusqu'à l'outrance par le pouvoir abusif.
    .Un enfant battu peut prendre paradoxalement la défense de ses géniteurs, si ceux-ci sont mis en cause pénalement pour leurs actes. Beaucoup d'Allemands devaient plus ou moins confusément se rendre compte, dès 1936, que le régime hitlérien entraînait un effondrement démocratique et développait une haine mortifère, mais les conditions d'époque, la peur et l'entraînement social les incitaient aussi à faire confiance à une parole qui promettait développement économique et ordre social.
      Entre le consommateur et le citoyen en nous existent aussi des tensions pas toujours apparentes, qui nécessitent des choix. Entre soumission, consentement.et réactions.
           Jean-Claude Michéa utilise le terme de « double pensée », repris de Georges Orwell, pour décrire la double logique libérale, qui fait d’un côté l’apologie d’un état de droit et de la libération des mœurs, et d’un autre côté, de l’économie de marché. Il met ainsi au jour les contradictions idéologiques de l’intelligentsia « de gauche ».
        Michéa tente de comprendre comment la gauche contemporaine a liquidé son fond idéologique (politique) sur la question sociale, pour reprendre à son compte les principales exigences de la logique capitaliste. Pour ce faire, il utilise le principe de la « double pensée » dont souffre Winston Smith dans 1984, d’Orwell, et l’applique à tous les penseurs sociaux-libéraux post-soixante-huitards. Il apparaît que cette intelligentsia est douée de la capacité de se mentir à elle-même en adhérant à deux propositions logiquement incompatibles : l’acceptation de l’économie de marché et la défense d’un libéralisme politique et culturel qui devient la « preuve » d’un engagement radical de gauche, le tout face à une droite chimérique qui aurait comme idéologie naturelle le néoconservatisme.
L’essai ne s’arrête cependant pas à la critique de la politique libérale, mais critique aussi ses conséquences : l’atomisation de la société en individualités égoïstes axiologiquement neutres afin d’éviter conflit entre les religions ou les idéologies. Face à cela, Jean-Claude Michéa prône l’éducation, l’amour du savoir, les liens de socialité primaires, la lutte contre toute volonté de pouvoir. Il met en avant la Common Decency c’est-à-dire les vertus populaires défendues par Orwell (la capacité de donner, recevoir, et rendre) et qui sont à la base des relations humaines.
          Pour prolonger:- Conformisme et soumission
 -Swann, un bel exemple de dissonance cognitive
-L’influence des théories conspirationnistes : pourquoi ça marche ?
-Comment une thèse discréditée conserve son influence
-Le rêve américain, dissonance cognitive et violence symbolique
           A lire aussi:
-Influence et croyances collectives
-Le mécanisme de la perte d’influence
- La soumission librement consentie, Jean Léon BEAUVOIS, Robert-Vincent JOULE.
- Les erreurs des autres. L'autojustification, ses ressorts et ses méfaits. Carol Tavris, Elliot Aronson.
- Petit traité de manipulation à l'usage des honnêtes gens. Jean Léon BEAUVOIS, Robert-Vincent JOULE
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