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jeudi 22 septembre 2016

Remous dans la pensée économique

      Crises en cours   
                         Régulièrement, la pensée économique connaît des périodes de remises en question et parfois de vifs conflits.
     Et pas sur des queues de cerises. Et pas seulement en France.
         Car l'économie est une discipline dont les enjeux ne sont pas sans incidences sur notre vie quotidienne.
        C'est assez excessif de parler de guerre à propos du  petit affrontement entre des théoriciens de l'économie.
    La querelle n'est cependant pas anodine, car de la vision de certains économistes dépendent souvent de décisions politiques de fond , de choix de société  qui ne sont pas neutres. Et d'autre part, les choix politiques dominants ne sont pas sans influencer certains postulats en recherche économique..
     Une économie fondée sur des principes néolibéraux, issus de la  pensée de l'école de Chicago, de tendance reaganienne et thatcherienne, ne peut avoir les mêmes impacts sur les décideurs que celle fondée sur les notions de redistributions, de solidarité, de politique monétaire et sociale progressiste.. On le voit avec le débat autour des études de T.Piketty, en France comme aux USA, où la réflexion sur les sources des inégalités croissantes devient l'objet des recherches?
     Entre les"bons", qui ont pignon sur écran, souvent engagés dans des conseils bancaires, et les hétérodoxes, qui exercent leur esprit critique sur les données de l'économie dominante, il y a plus que des détails. Un engagement de fond sur les questions de société.
     Le problème s'est récemment posé à propos des thèses de Jean Tirole, à l'époque on soulignait que l'économie n'est pas une science dure, comme le soulignait déjà Levi-Strauss, qu'elles comporte de grandes marges de choix et d'incertitudes, d' a priori et d'impensés. 
     La crise a bien montré à quel point beaucoup se sont trompés. Une certaine pensée économique peut même être une imposture, en fonction de certains choix préalables non interrogés..Son enseignement devrait être revu et il est des présupposés à repenser, un formalisme mathématique qui interdit tout débat de fond...
     La plupart n'ont rien vu venir, comme certains l'ont reconnu.  Il arrive même qu'on puisse dire tout et le contraire de tout.       Cela relativise un peu...(*)
          [ -Krugman fustigeait naguère "la cécité de la profession sur la possibilité de défaillances catastrophiques dans une économie de marché"."Durant l’âge d’or, les économistes financiers en vinrent à croire que les marchés étaient fondamentalement stables - que les actions et autres actifs étaient toujours cotés à leur juste prix"---- M. Greenspan avouait qu’il était dans un état d’ « incrédulité choquée » car « l’ensemble de l’édifice intellectuel » s’était « effondré ». Cet effondrement de l’édifice intellectuel étant aussi un effondrement du monde réel de marchés, le résultat s’est traduit par une grave récession"( P.K.)_« Lorsque dans un pays le développement du capital devient un sous-produit de l’activité d’un casino, le travail est susceptible d’être bâclé. », disait Keynes.]
      Bref, une "science" en question, souvent aveugle à ses postulats.
          C'est que la discipline économique n'est pas une science exacte, comme le reconnaissait Lévi-Strauss, comme l'admettent la plupart des économistes un peu honnêtes. Les mathématiques, qui prennent souvent une place démesurée dans la discipline, ne sont pas un gage de scientificité.
    Ce n'est pas la guerre mais un affrontement normal  sur le statut, la fonction, la rigueur d'études qui sont parfois menées avec des lunettes à courte vue libérale, des préjugés assumés, parfois des engagements tus.
    Une science imparfaite, à pratiquer avec beaucoup de circonspection, de prudence. Ce qui n'exclut pas l'audace.
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                  (*) A propos de la dernière crise, qui dure...« Comment se fait-il que personne n’ait rien vu venir ? », s’enquit la reine d’Angleterre en visite à la London School of Economics en novembre 2008. Elle aurait même laissé échapper : « C’est affreux ! » N’avoir rien « vu venir » ne fut pas la seule faute des économistes, qui représentent assurément l’une des professions les plus remises en cause par la crise financière. Leur hypothèse d’efficience des marchés avait servi à justifier les politiques de dérégulation, largement responsables de la catastrophe des subprimes.
   « La science économique a été au mieux spectaculairement inutile, au pire carrément nocive », résume l’économiste et éditorialiste du New York Times Paul Krugman. Tétanisés devant la dégringolade irrésistible des Bourses mondiales, la plupart des économistes avaient ainsi eu l’humilité de reconnaître les limites de la macroéconomie contemporaine, issue du courant des « anticipations rationnelles » des années 1970 et héritière du cadre néoclassique élaboré à la fin du XIXe siècle et qui domine le champ depuis l’après guerre.Lorsque les Bourses ont dévissé dans le sillage de Lehman Brothers à l’automne 2008, les modèles sophistiqués des pontes de l’université de Chicago ne furent d’aucun secours. Comme le dit Paul Krugman, il a fallu retrouver la « sagesse des Anciens », perdue durant l’« Âge sombre» de la macroéconomie, et sortir des oubliettes les auteurs post-Grande Dépression, dont l’approche, globale et non pas segmentaire et individualiste, fournit une compréhension synthétique et systémique des crises.
       Quelle mouche a donc piqué des économistes aussi respectables que Pierre Cahuc et André Zylberberg ? Dans un livre dont un récent numéro de Challenge fait sa couverture, ils dénient toute légitimité aux nombreux confrères qui ont le tort de ne pas penser comme eux, allant jusqu’à les traiter de négationnistes et à suggérer l'éradication de leurs travaux dans le sous-titre (« comment s’en débarrasser »). Eux qui ne jurent que par les revues scientifiques ne dédaignent pas de vilipender leurs collègues dans un livre destiné au grand public et dans la presse généraliste.
    Claude Lévi-Strauss raillait la prétention des sciences sociales à asseoir leur légitimité en s’abusant sur la fiabilité de leurs méthodes. Certains économistes croient établir leur respectabilité en présentant l’économie comme une science exacte, où des vérités pourraient être établies de manière expérimentale de la même manière qu’en physique, ou démontrées comme en mathématiques à partir d’un système d’axiomes auxquels le monde réel aurait la bonne grâce de se conformer. Il n’en est rien.
      De nombreux auteurs, comme André Orléan, Philippe Aghion ou Pierre-Noël Giraud, ont appelé les économistes à plus de modestie et à plus de réflexion critique sur l’épistémologie de leur domaine d’étude. Les cas d’expériences contrôlées, où l’on compare deux populations en étant sûr de bien prendre en compte toutes leurs différences significatives, sont exceptionnels en économie. L’économétrie est un outil puissant. Encore faut-il considérer tous les paramètres qui ont une influence sur les relations observées et s’assurer que le contexte dans lequel les observations ont été faites est suffisamment proche de celui auquel on veut les transposer.
Le dossier de Challenge autour du brûlot de Pierre Cahuc cite d’ailleurs de nombreux cas problématiques. Ainsi, selon ses rédacteurs, une augmentation du salaire minimal sur l’emploi peut avoir des effets favorables aux États-Unis, mais désastreux en France. Patrick Artus y explique dans un encart que Ricardo et Keynes, malgré leur opposition célèbre, auraient tous les deux raison, tout dépendant du contexte.
      Bref, l’économie abonde en vérités en deçà des Pyrénées qui deviennent des erreurs au-delà, et c’est souvent longtemps après qu’une mesure catastrophique a été mise en place sur l’injonction de savants économistes que d’autres économistes peuvent expliquer en quoi le contexte différait au point de rendre la thérapeutique inadaptée voire dangereuse. Keynes résumait cette situation en déclarant que « les hommes politiques sont les esclaves d’économistes morts »....
      La controverse est loin d’être close et les hypothèses que tel ou tel modèle met en œuvre doivent faire l’objet de critiques, de débats et de tests. Un résultat important du travail de Gilles Koléda est de montrer la fragilité du dogme constamment invoqué depuis trente ans pour subventionner les emplois peu qualifiés au détriment de la compétitivité des secteurs les plus exposés à la concurrence internationale. Nous ne contestons pas que ces mesures en faveur des seuls bas salaires sont favorables à court terme à l’emploi peu qualifié, mais nous constatons qu’elles pèsent sur la compétitivité des entreprises, donc sur la bonne santé de notre économie, et qu’elles créent des trappes à emplois faiblement qualifiés en rendant ceux-ci artificiellement bon marché....
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- Sortir de la pensée unique
Le prix Nobel d'Economie, instrument de propagande du néolibéralisme
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