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samedi 9 juillet 2016

Un dada pas comme les autres

   Le retour d' equus caballus 
                                          Le cheval est redevenu "à la mode" dans notre monde ultra mécanisé et parfois déshumanisé..
             Après de bons et loyaux services dans le monde de l'agriculture traditionnelle, détrôné dans cette sphère par son homologue vapeur, il poursuit sa déjà longue histoire.
             Il accompagne maintenant le plus souvent les loisirs des humains, ordinaires ou mondains.       Même s'il revient dans certaines activités agricoles. Bête de course ou compagnon de loisirs. Parfois même, il fait fonction de thérapeute ou de rééducateur.
    Pour se détendre des sujets graves ou stressants, rien de tel que de parler de lui, de le côtoyer un moment dans sa familiarité et son mystère. Sa seule présence apaise.
     Un animal vraiment à part, associé au meilleur de l'homme... ou au pire.
 Une vieille alliance qui remonte au cinquième millénaire avant notre ère.
     On a pu parler d'une proximité, d'une complicité étonnante avec l'homme, d'une quasi-identité parfois, tellement il fut humanisé au cours des siècles, depuis les steppes russes et la Mésopotamie. Parfois sacralisé.
   Buffon avait raison, c'est la plus noble conquête de l'homme  (*)
Une formule trop usée, qui invite à parcourir des siècles d'histoire à travers des cultures très diverses.Un sujet inépuisable.
    Equus caballus nous apprend tellement sur l'homme....
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_______(*) [Suite de l'étude d'Hérodote, non accessible gratuitement]
                                                   ___....Au Moyen Âge, qu'elle soit paysanne ou noble, la femme elle aussi a profité du dos accueillant des ânes et chevaux pour se déplacer. Ce ne fut d'ailleurs pas sans poser problème puisqu'on lui interdit de monter comme un homme.
Enluminure extraite des Chroniques sire Jehan Froissart, XIVe et XVe s. Elles retracent les conflits qui opposent la France et l’Angleterre entre 1327 et 1400 - Source Gallica.bnf.fr   Il n'est pas question qu'elle vole à son compagnon son image de puissance et de liberté ! Et ne dit-on pas qu'elle risque d'y perdre sa virginité ?
Du coup, rares sont celles qui osent se montrer à califourchon à moins de faire oublier leur féminité derrière une image de guerrière, à l'exemple de Jeanne d'Arc.
  Pour éviter d'avoir à adopter la tenue masculine qui valut à la sainte le bûcher, les cavalières vont prendre l'habitude de monter en gardant les deux jambes du même côté, sur une sorte de fauteuil (la sambue) ou les pieds sur une planchette, les jambes ainsi cachées sous leurs jupes.
  Cette position dangereuse, fort peu confortable et ne permettant pas de guider l'animal ne fut améliorée que vers 1540 avec l'apparition de la position « à l'amazone » .
D'après la légende, elle aurait été rapportée d'Italie par Catherine de Médicis qui n'hésita pas à participer à cheval au siège du Havre (1563).
    L'historien Antoine Varillas assure que cette mode n'était pour la reine qu'un moyen discret de mettre en valeur sa féminité : «  Le beau tour de ses jambes lui faisait plaisir à porter des bas de soie bien tirés [...] et ce fut pour les montrer qu'elle inventa la mode de mettre une jambe sur le pommeau de la selle en allant sur des haquenées [juments dociles] au lieu d'aller à la planchette. » (Histoire de France, 1683).
    Désormais plus stable, la cavalière pouvait participer à ces activités sociales que sont chasse et art équestre et ne s'en priva pas, notamment au XIXe, siècle de l'amazone.
Ce n'est qu'en 1930 que ces dames obtinrent le droit de porter le pantalon pour répondre au succès du vélo, ce concurrent du cheval, et purent enfin chevaucher sans être totalement tordues ! Pas rancunières, elles représentent aujourd'hui près de 80 % des adeptes de l'équitation.
L'Éducation d'Achille, la leçon d'éducation, XVIIe siècle, Jean-Baptiste de Champaigne, Paris, musée du Louvre.

Bien-aimés Centaures 

Pour les peuples sédentaires de l'Antiquité, le cheval n'a guère finalement qu'une utilité limitée : faute d'attelage efficace, on lui épargne les travaux agricoles pour l'envoyer plutôt sur les champs de bataille ou à la chasse.

___Animal cher et précieux, il devient le symbole de l'aristocratie et, à ce titre, a droit dans les textes homériques à partager la sépulture des guerriers.
« L'Armée grecque se camouflant dans le cheval de Troie » : épisode de L'Énéïde, illustration du XVIe siècle, Paris, BnF.Au IVe siècle av. J.-C., on commence à lui consacrer des traités, comme L'Hipparque de Xénophon, tandis que les premiers vétérinaires s'intéressent à son anatomie.
 Il faut dire que les Grecs anciens sont tombés sous le charme de ces animaux au point de former leurs propres noms sur la racine hippos (cheval), à l'exemple d'Hippolyte ( « qui délie les chevaux » ) ou encore Philippe ( « qui aime les chevaux » ).
 Il est donc bien naturel que l'on retrouve notre animal en bonne place dans la mythologie aux côtés de Poséidon, dieu des chevaux et père du plus célèbre d'entre eux, Pégase aux ailes d'oiseau.
  Même le Centaure, créature mi-homme mi-cheval, fait figure de monstre tout à fait fréquentable au milieu du panthéon.
  Est-ce à cause de cette image sympathique que les Troyens n'hésitèrent guère à faire entrer un énorme cheval de bois à l'intérieur de leurs murailles, pour mieux courir à leur perte ? Leurs « descendants » romains vont vouer eux aussi un véritable culte au cheval pour lequel ils construisent des hippodromes géants. On dit même qu'un empereur jusqu'au-boutiste aurait donné le titre de consul à son ami équin !
    Caligula, empereur fou... des chevaux
« Il était tellement attaché à la faction des cochers verts, qu'il mangeait souvent dans leur écurie, et en faisait sa demeure. L'un d'eux, nommé Eutychus, reçut de lui dans une orgie, un présent de deux millions de sesterces. La veille des jeux du cirque, il ordonnait à des soldats d'imposer silence à tout le voisinage pour que rien ne troublât le repos de son cheval Incitatus. Il lui fit faire une écurie de marbre, une crèche d'ivoire, des housses de pourpre et des licous garnis de pierres précieuses. Il lui donna un palais, des esclaves et un mobilier, afin que les personnes invitées en son nom fussent reçues plus magnifiquement. On dit même qu'il voulait le faire consul. » (Suétone, Vie des Douze Césars, Ier siècle).
Char du soleil de Trundlhom, âge du bronze, Copenhague, Musée national.

Le cheval entre en religion

    Déjà présent sur les murs des cavernes des hommes préhistoriques, le cheval est depuis longtemps le dépositaire d'une forte dimension symbolique. Il est d'abord celui qui accompagne les divinités, comme Sleipnir, la monture à huit pattes d'Odin. Il est de ce fait relié au monde des ténèbres sur lequel règne le dieu scandinave.
Tapisserie La Dame à la Licorne, XVe s, musée de Cluny, Paris.  On retrouve ce même rôle de conducteur des âmes dans la religion grecque puisque le cheval, présent sur de nombreuses tombes, accompagnait les défunts en participant aux courses funéraires ou en donnant sa vie lors de sacrifices.
  Chez les Romains, a très longtemps eu lieu la cérémonie appelée october equus, («  du cheval d'octobre ») qui consistait à la mise à mort du cheval vainqueur des courses en l'honneur du dieu Mars.
  Pensons également au rôle malfaisant des walkyries germano-scandinaves qui chevauchaient au milieu des champs de bataille pour y choisir les futurs morts.
  C'est également une jument ailée, Al-Bouraq, qui joua le rôle traditionnel d'intermédiaire entre les dieux et les humains et permit au prophète Mahomet de monter au ciel.
  Divinité du monde souterrain, le cheval est aussi associé à la lumière et en particulier au Soleil dont il dirige la « course » avec le char d'Hélios.
Gare au mortel qui tente de conduire l'attelage divin ! Phaéton tente l'exploit et meurt foudroyé.
   L'arrivée de la religion chrétienne ne signifie pas la disparition du cheval, toujours présent dans les représentations au côté de saint Georges, mais aussi sous l'élégante apparence de la licorne.
  Symbole de puissance comme de pureté, souvent associée au Christ ou à la Vierge, cette créature monstrueuse a longtemps été un des êtres fabuleux les plus appréciés tandis que sa « corne » , coupée en fait sur les dépouilles de narvals, faisait les beaux jours des amateurs de curiosités.
Planche extraite du Traité d'hippiatrie, Kitâb Al-Baytara, manuscrit arabe, 1766, Paris, BnF.

Aux petits soins

      Rare et donc cher, le cheval a été très longtemps le seul animal à mériter d'être observé sous toutes les coutures. Si l'on n'a pas de trace écrite des plus anciennes études, certainement menées du côté du Nil et de l'Euphrate, on peut toujours consulter les Hippiatrica remontant aux premiers siècles de notre ère.
  On y apprend par exemple que, pour protéger les sabots, il était recommandé d'utiliser des hipposandales, supplantées par les fers seulement au IXe siècle. À l'instar de l'homme, notre animal est soigné selon la théorie hippocratique des humeurs, à grands coups de saignées ou de lavements.
  L'Orient n'est pas en reste puisque les scientifiques arabes ont su s'inspirer des sources antiques et byzantines pour développer de leur côté une bonne connaissance de l'anatomie et de la santé du cheval.
« Bourrelier », planche extraite de L'Encyclopédie ou dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers sous la direction de Diderot et d'Alembert, tome 2, 1762, Charenton-le-Pont, médiathèque de l'Architecture et du Patrimoine.Pendant la Renaissance européenne, médecines humaine et équine se développent en parallèle tandis que la concurrence apparaît entre les simples maréchaux ferrants, à la pratique très empirique, et les écuyers.
  C'est d'ailleurs l'un d'entre eux, Claude Bourgelat, qui parvient à convaincre Louis XV d'ouvrir la première école vétérinaire, en 1761 à Lyon.
  Elle sera rapidement suivie d'une seconde à Alfort où Honoré Fragonard commença sa carrière de créateur d'écorchés. On peut encore y admirer un de ses chefs-d’œuvre, Le Cavalier, composé d'un homme dépouillé de sa peau et monté sur un cheval au grand galop, dans le même état.
  Grâce aux étudiants étrangers qu'elles accueillent, ces écoles diffusent dans toute l'Europe et le Nouveau Monde l'art vétérinaire à la française. Aujourd'hui, cet art bénéfice des plus importantes avancées technologiques, et il n'est pas rare que l'on prescrive à nos quadrupèdes un passage devant le scanner ou une petite séance d'acupuncture.
  Ce grand chouchouté a également droit aux plus belles demeures, écuries royales tout confort et haras prestigieux, le summum étant atteint à Chantilly. Toutes ces attentions ne doivent pas faire oublier que le cheval trouve aussi place dans nos assiettes, puisque la consommation de sa viande est autorisée depuis 1866.
Le Cavalier -  Honoré Fragonard, entre 1766 et 1771 - Musée Fragonard de l'École nationale vétérinaire d'Alfort.
« La nature plus belle que l’art »
        En 1753, le grand naturaliste Buffon fait un éloge resté célèbre du cheval, premier animal décrit dans son Histoire naturelle : « La plus noble conquête que l'homme ait jamais faite est celle de ce fier et fougueux animal, qui partage avec lui les fatigues de la guerre et la gloire des combats ; aussi intrépide que son maître, le cheval voit le péril et l'affronte; il se fait au bruit des armes, il l'aime, il le cherche et s'anime de la même ardeur : il partage aussi ses plaisirs ; à la chasse, aux tournois, à la course, il brille, il étincelle. Mais docile autant que courageux, il ne se laisse point emporter à son feu ; il sait réprimer ses mouvements. Non seulement il fléchit sous la main de celui qui le guide, mais il semble consulter ses désirs, et, obéissant toujours aux impressions qu'il en reçoit, il se précipite, se modère ou s'arrête : c'est une créature qui renonce à son être pour n'exister que par la volonté d'un autre, qui sait même la prévenir ; qui par la promptitude et la précision de ses mouvements, l'exprime et l'exécute ; qui sent autant qu'on le désire, et se rend autant qu'on veut ; qui, se livrant sans réserve, ne se refuse à rien, sert de toutes ses forces, s'excède, et même meurt pour obéir » (Buffon, Histoire naturelle, tome IV, 1753).
________-Merci à Hérodote-_________


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