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jeudi 3 janvier 2013

Questions de frontières

 ___Quoi de plus stable en apparence qu'une frontière, surtout quand elle est matérialisée par un élément géographique remarquable, comme une chaîne de montagnes ou un cours d'eau?
Mais la nature est un alibi...
 "Daniel Nordmann précise que la distinction entre frontières artificielles et frontières naturelles n’a jamais été un critère pertinent de découpage, sauf à rappeler que les hommes eux-mêmes ont souvent invoqué la nature pour justifier leurs découpages. Les Alpes et des Pyrénées en sont des exemples. Aujourd’hui, les limites et les frontières sont des objets de conflictualités, parfois exacerbées, comme l’a montré la guerre des Balkans dans les années 1990."
Certaines frontières paraissent immuables à celui qui ne jette pas un oeil dans le rétroviseur.
Elles sont toutes arbitraires, fruits de l'histoire, de sédiments événementiels et de pouvoirs qui se sont déposés peut à peu ou avec fracas (Belgique, Ex-Yougoslavie, Slovaquie..)
L'Asie centrale, par exemple, résulte d'une construction coloniale tsariste.
Qu'était  la France à l'époque de Hugues Capet et comment s'est constitué progressivement l'Hexagone, surtout à partir du 16°siècle? C'est toujours instructif de faire la genèse des nations.
  La cartographie et la géopolitique sont intimement liées.
Dépassées, les frontières?
_____Aujourd'hui, en Afrique subsaharienne surtout, la question des frontières pose des problèmes délicats.
 Elles sont largement artificielles et récentes (le Sahel a été découpé au cordeau),  délimitant des espaces peu homogènes, parfois contre nature, héritage de la Conférence de Berlin (1885) et des conflits d'intérêts intra-européens. Une question souvent très sensible, notamment dans la zône malienne aujourd'hui sous les feux de la rampe.
L'histoire de l'Afrique, aujourd'hui mieux connue, fait apparaître qu'existaient avant la colonisation des espaces relativement homogènes mais des limites peu rigides.
Il y reste aujourd'hui beaucoup de "zônes grises"
 "...Si les tensions au Sahel monopolisent l’attention diplomatique et médiatique, les événements qui s’y déroulent ont leurs pendants dans d’autres régions d’Afrique : aspirations autonomistes, insurrections armées, incapacité des autorités à maintenir l’ordre, trafics transnationaux d’armes et de munitions, ingérences étrangères, course aux ressources naturelles (1), etc. Les Etats déliquescents ont perdu le contrôle sur des « zones grises » situées à distance des capitales et autoadministrées de manière fréquemment criminelle. Ainsi, entre le Niger et le Nigeria s’étend désormais une bande de trente à quarante kilomètres qui échappe à la supervision de Niamey et d’Abuja. Les frontières, tracées au temps de la colonisation, n’ont parfois plus de réalité, tant sont importants les flux de migrants, de voyageurs et de commerçants..."
____Quel est l'avenir des frontières à l'heure de la mondialisation financière et commerciale et du libre échange à la mode OMC?
Il semblerait qu'elles soient vouées à s'effacer pour donner naissance à des ensembles économiques régionaux plus vastes, comme en Afrique, comme le souhaitait Nkrumah, en Amérique Latine ou en Europe. Mais, sans préjuger de l'avenir, il semble que les frontières restent encore le seul moyen de constituer un rempart nécessaire pour préserver l'identité d'une nation, de ses acquis et un protectionnisme raisonné,  contre les dérives d'une mondialisation sans règle et uniformisante...
C'est du moins ce que pense Régis Debray, dans le contexte d'une dérégulation généralisée et des ambitions des entreprises transnationales, dont les objectifs purement commerciaux sont justement l'effacement des frontières...
Nous sommes actuellement en Europe surtout, toujours écartelés entre la propension à l'élargissement sans fin à un monde sans frontières (jusqu'où?) et les réactions défensives contre certains effets de cet élargissment (dumping de toutes sortes, marchés faussés...) Les limites , devenues poreuses, poussent à en recréer d'autres, à des fins de protection (espace Schengen...) -Les excès d'un capitalisme financier offensif et sans frontières, nouveau mur de l'argent, porté par les multinationales apatrides par nature, finissent par produire, par réaction, l'effet inverse de ce quelles visent: la tentation du repli, d'un protectionnisme outrancier, d'un souverainisme défensif...mais peut aussi constituer le risque d'un nationalisme autoritaire et régressif...au risque de conflits.
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- « La gestion des frontières sert bien d’autres intérêts que ceux qu’elle prétend défendre »

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