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dimanche 13 novembre 2011

Homo debitor

Vivre libre ou à crédit?

__L'endettement a fini par devenir une seconde nature pour l'homme consommateur.
Vivre à crédit s'est installé dans nos moeurs, modelés par le système marchand et les incitations bancaires.
Au-delà d'une certain seuil, l'endettement, pour la consommation courante des particuliers,mimétique à plus d'un titre, a vite fait de se transformer en piège financier et moral, en dehors des biens immobiliers non finançables autrement (même si on a vu à quelles extrémités il a pu mener aux USA, du fait de la rapacité bancaire)
Là-bas, l'american dream a fonctionné à fond surtout depuis les années cinquante.
«La publicité et le marketing ont développé une culture de satisfaction instantanée des désirs , constate April Lewis-Parks, du cabinet de conseil financier Consolidated Credit, en Floride. Non seulement les parents américains ne refusent rien à leurs enfants, mais ils ne leur enseignent pas non plus à vivre selon leurs moyens.»



Cette culture est en train de s'effondrer.
Le « rêve américain » est en mauvaise passe, même pour les classes moyennes.
L'endettement des ménages américains atteint des sommets.
Les prisonniers des dettes sont devenus, par effet de système, de parfaits collaborateurs d'un ordre marchand et bancaire tout puissant et de sa logique de jouissance immédiate.
_Nous croyons maîtriser le crédit , mais le crédit nous tient, nous asservit.
La dette finit par devenir intériorisée
On a pu parler de " Fabrique de l'homme endetté"
" L'endettement des classes moyennes a été un projet concerté. .. Pour l'auteur, philosophe et sociologue, le paradigme du social n'est pas l'échange symbolique, mais le rapport créancier-débiteur. "Transformer chaque individu en sujet économique endetté", telle est la logique du système dans lequel nous vivons aujourd'hui. L'Homo debitor, affirme Maurizio Lazzarato, est la nouvelle figure de l'Homo economicus. Il n'a plus de droit au logement, mais un crédit immobilier. Il n'a plus de droit à la scolarisation mais, sur le modèle anglo-saxon, à des prêts pour payer ses études.
La dette... est donc un formidable outil de contrôle social. Elle permet "de disposer à l'avance de l'avenir". Elle conjure de façon anticipée "toute bifurcation imprévisible des comportements". Derrière la "fabrication éthique de l'homme endetté", l'auteur voit le résultat d'"une morale de la culpabilité". ...Une nouvelle séquence politique s'ouvre, estime M. Lazzarato, dont il est difficile d'anticiper les conséquences. Il y a un moment où le rapport créancier-débiteur finit par devenir un "chantage" permanent, écrit-il. En omettant de souligner que le chantage peut fonctionner, aussi, à double sens. "(Le' Monde)

La fabrique de l’homme endetté est un essai sur la condition néolibérale, où la dette est à la fois objective et subjective
"La dette fonctionne, d’une part, comme machine de capture, de prédation, de ponction sur la société dans son ensemble et, notamment, sur l’État providence et, d’autre part, elle agit aussi comme un instrument de gestion macroéconomique et comme un dispositif de gouvernement des conduites et de production des subjectivités collectives et individuelles. L’enquête menée auprès des intermittents et des ayants droit aux minima sociaux nous a conduits à formuler l’hypothèse suivante : les discours que soutiennent les politiques néolibérales visent à transformer les droits sociaux en dettes sociales, à leur tour transformées en dette individuelle. Les « ayants droit » deviennent des « ayant devoirs » et, en se sens, « débiteurs » auprès de Pôle emploi (pour les chômeurs) et auprès de l’État (pour les ayants droit aux minima sociaux). Cette métamorphose est intimement liée à la métamorphose de la protection sociale analysée jusqu’ici et au rôle de la finance globale. Pour comprendre, donc, le passage de la dette objective à la dette subjective, il convient de s’attarder sur l’analyse de la finance globale. Pour rendre compte de la nouvelle hégémonie que la finance exerce sur l’économie, André Orléan, économiste hétérodoxe, parle de « pouvoir créancier » et de « puissance créancière » dont la force « se mesure à cette capacité de transformer l’argent en dette et la dette en propriété et, ce faisant, à influer directement sur les rapports sociaux qui structurent nos sociétés » . Cette théorie définit la relation créancier-débiteur comme le pivot autour duquel s’opère la transformation de la gouvernance capitaliste : « On est passé de la régulation fordiste, qui privilégiait le pôle industriel et débiteur, à une régulation financière, qui met en avant le pôle financier et créancier » .__Mais la relation créancier-débiteur ne se limite pas à influer directement sur les rapports sociaux. Elle est elle-même un rapport de pouvoir parmi les plus importants et universels du capitalisme contemporain. La relation créancier-débiteur constitue un rapport de pouvoir spécifique, qui implique des modalités spécifiques de production de subjectivité : une forme particulière d’homo oeconomicus, l’« homme endetté ». La relation créancier-débiteur se superpose aux relations capital-travail, État providence-usager, entreprise-consommateur. Les institutions de l’État providence visent à induire de nouvelles conduites des chômeurs et des allocataires du RSA, puisque ils les considèrent au fond comme des débiteurs..."
Crédit, quand tu nous tiens !!!
Consommateurs infantilisés ou citoyens?

«La dette neutralise le temps, matière première de tout changement politique ou social»

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