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mercredi 21 septembre 2011

Arrêtez les enfants?


Notes sur la prospective démographique

La bombe "P" explosera-t-elle?

__Doit-on partager l'inquiétude de Claude Levi-Strauss, qui déclarait en 2008 :
«La question qui domine véritablement ma pensée depuis longtemps, et de plus en plus, c’est que, quand je suis né, il y avait un milliard et demi d’habitants sur la terre. Quand je suis entré dans la vie active, il y en avait deux milliards, et maintenant il y en a six milliards. Et il y en aura huit à neuf dans quelques années. Eh bien, à mes yeux c’est là le problème fondamental de l’avenir de l’humanité, et je ne peux pas, personnellement, avoir d’espoir pour un monde trop plein.»
?

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« La Terre peut nourrir 12 milliards d’hommes. » pense la géographe Sylvie Brunel
Joel Cohen répond en 1995 : « La population limite (human carrying capacity) dépendra de toute évidence du niveau matériel auquel les gens choisiront de vivre. » Ou plutôt, du niveau de vie qui leur sera imposé ! Une chose est certaine : « le nombre d’hommes sur terre a atteint ou atteindra dans le prochain demi-siècle le niveau maximum que la terre peut supporter en fonction du type d’existence que nous, nos enfants et petits-enfants avons choisi. »

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--La démographie n'est pas une science exacte. Heureusement!
Mais elle peut donner des indications utiles sur l'évolution prévisible d'une population à court ou à moyen terme , en fonction du taux de natalité, à un moment donné, dans des conditions données.
Ces indications ne sont pas seulement purement informatives. Elles permettent une certaine prospective, une certaine anticipation sur le devenir, notamment économique, des sociétés, pouvant déboucher sur des décisions politiques, par exemple prendre des mesures pour encourager une natalité en chute libre (comme en Allemagne ou au Japon) ou au contraire pour freiner une croissance exponentielle de la population (comme la Chine à une époque)...avec des effets plus ou moins imprévus: le vieillissement de la population chinoise est une menace pour son avenir économique, dans le schéma actuel de son développement.
_Les bons et prudents démographes savent donc qu'ils doivent revoir régulièrement leur copie. Ainsi, le taux de natalité de beaucoup de pays du Maghreb a fini par rejoindre celui de la moyenne des pays européens, ce qui n'était pas attendu, du moins de si tôt.
________La notion de bombe démographique, naguère agitée comme menace, doit être aujourd'hui critiquée ou fortement nuancée. Les présupposés en sont souvent biaisés. Si certains pays, comme l'Egypte ou le Bangladesh ont un niveau de population inquiétant par rapport aux limites des terres cultivées, c'est aussi par défaut d'éducation (des filles notamment) et d'organisation de la politique économique.
Les incidences de la
climatologie sur la démographie est aussi discutable, sauf dans certains cas extrêmes...
_______Faudrait-il donc cesser d’avoir des enfants pour sauver la planète ?
"...Dans le monde anglo-saxon où se sont développés les premiers mouvements inquiets des chiffres galopants de la démographie mondiale, à l’instar de l’Optimum Population Trust, ils demeurent minoritaires. En France, pays où la préoccupation et les politiques natalistes ont irrigué l’histoire, aussi bien sous Vichy qu’en République, ils sont embryonnaires. Seules quelques petites associations, comme Démographie responsable, appellent à une restriction (volontaire) des naissances...
le pasteur britannique (Malthus) s’est trompé dans ses calculs, en ne prévoyant pas que les sauts technologiques en matière agricole seraient capables de nourrir une population en forte augmentation. Les progrès – notamment la mécanisation et les révolutions vertes – ne permettent pas d’opposer de manière binaire une population dont la croissance suivrait une courbe géométrique à des ressources alimentaires dont l’augmentation ne serait qu’arithmétique. Ensuite, Malthus s’inquiétait avant tout de la croissance démographique des pauvres et du coût de l’assistance... ...
Les mouvements (malthusiens))sont le signe d’une inquiétude croissante, qui retrouve les préoccupations démographiques des années 1960 et 1970, lorsque Paul Ehrlich annonçait l’explosion, imminente, de la
«Bombe P», ou lorsque le commandant Cousteau ou René Dumont, le premier candidat écologiste à une élection présidentielle française, affichaient clairement leur volonté de maîtriser l’augmentation de la population...

Cette inquiétude, même si elle puise ses raisons dans l’état de la planète ou les projections des chiffres de la population mondiale, n’est pas tant l’expression d’une réalité démographique ou écologique que d’une perception culturelle.
C’est tout l’intérêt de la monumentale enquête, parue au printemps dernier, de l’historien Georges Minois, que de faire l’histoire non pas de l’évolution de la population mondiale, mais de notre perception historique de cette démographie. Dans son ouvrage intitulé
Le Poids du nombre. L’obsession du surpeuplement dans l’histoire, Georges Minois montre ainsi que, si le manque d’hommes a été une peur fréquente et récurrente, notre époque n’a pas le privilège de la crainte du trop-plein. «Platon s’en préoccupait déjà, recommandant un sévère contrôle de la natalité (…). Ceci à une époque où le monde ne comptait même pas 200 millions d’habitants. C’est dire que le problème du surpeuplement est plus affaire de culture que de chiffres », écrit l’historien. La peur du «trop-plein» a concerné aussi bien les chasseurs-cueilleurs du paléolithique, les cités de la Grèce ancienne, l’Europe du début du XIVe siècle que notre monde contemporain…
______Fred Pearce, vise toutefois à rassurer le lecteur inquiet de se compter parmi une telle masse humaine. Bien qu’il soit lui aussi convaincu que «la surpopulation est le moteur secret de la destruction de l’environnement», il ne s’inquiète pas outre mesure.
__D’abord, constate-t-il, la transition démographique qui consiste, dans les pays développés, en un rapprochement progressif des courbes de natalité et de mortalité, est bien amorcée, y compris dans des pays comme l’Iran, certaines régions de l’Inde, la Birmanie, le Brésil ou le Viêtnam… L’augmentation exponentielle de la population est d’abord le résultat d’une forme d’inertie liée à ce que le nombre d’adultes en âge de procréer – et de jeunes qui le seront bientôt – n’a jamais été aussi élevé dans l’histoire de la planète. Il y a donc, selon lui, «fort à parier que les personnes qui ont moins de 45 ans assisteront au premier déclin démographique depuis la peste noire, il y a presque sept cents ans». Un argument toutefois contesté par Lester Brown, auteur d’un ouvrage intitulé Beyond Malthus (Au-delà de Malthus), dans lequel il estime que les antimalthusiens font trop confiance à la transition démographique et minorent le risque que la surpopulation ne finisse par faire remonter la mortalité, du fait de la sous-alimentation, des épidémies et des conflits, au point de revenir à la situation de sous-développement de départ…"
__Le problème est donc complexe. Les facteurs à prendre en compte, autant culturels et politiques qu'économiques et environnementaux, font que la natalité n'est guère prévisible avec rigueur et peu maîtrisable, sauf à la marge et par des mesures indirectes et à effets retardés. Nous sommes encore mal placés pour savoir où va la population mondiale dans les décennies et surtout les siècles à venir et les tendances actuelles (dans un sens ou dans un autre) ne peuvent être toujours précisément estimées. De plus des événements non prévisibles peuvent changer beaucoup de projections (guerres, épidémies, décisions politiques, changements de système économique, etc...)
_On pourra approfondir utilement et nuancer ce problème complexe et souvent mal posé à la lecture des billets de Yann sur le sujet:
-Surpopulation, un mythe qui a la vie dure
- Fécondité et économie
-Voir aussi: Le démographe et le politique
et Vie et mort de la population mondiale
__Le parcours critique de ce site présente aussi un intérêt

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