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vendredi 6 mai 2011

Catastrophes: le naturel et le social

Des catastrophes dites naturelles

(Catastrophe:""Événement soudain, qui, bouleversant le cours des choses, amène la destruction, la ruine, la mort...".)

__Des phénomènes naturels n'ont un sens de
catastrophes que pour les hommes, parce que des hommes sont présents pour en subir les effets. Un volcanisme puissant dans un île déserte n'affecte personne. Une petite météorite tombant en plein pacifique passe inaperçue.
Mais, en présence d'êtres humains, tout change. Des transformations géologiques normales , par leur soudaineté et leur ampleur, peuvent avoir des conséquences prévisibles ou parfois non prévisibles redoutables, à court ou à long terme.
Le tremblement de terre de Lisbonne fut une surprise terrible pour toute l'Europe, celui de Haïti, très meurtrier, il y a plus d'un an, n'étonna pas les vulcanologues, comme pour le Japon récemment.
__Accablés par le malheur, les victimes et les survivants invoquent très souvent le destin, font référence à la fatalité, au cours inexorable d'une nature mystérieuse aux "humeurs" et aux réactions imprévisibles, devant laquelle on ne pourrait que se résigner, bien qu'accablés.
Pline le Jeune, observateur privilégié de la destruction de Pompei, décrit de loin le phénomène naturel mais aussi l'accablement et le désespoir des habitants, s'estimant victimes d'un vengeance divine. Pourtant
le poète Lucrèce s'était efforcé de démystifier les phénomènes naturels en évacuant les aspects religieux et mythiques traditionnels . Mais sa leçon ne pouvait pas porter à son époque, et, sous le coup du sort, les hommes sont submergés par l'effroi, neutralisant toute raison.
Cette réaction bien compréhensible aux époques où les hommes ne disposaient d'aucun savoir et de peu de moyens techniques, survit encore aujourd'hui: on l'a vu à Haïti ,où la religion et la mentalité magique (superstitions, vaudou) prennent tant de place. On l'a observé dans la région de Fukushima, dans une population modeste et désemparée, où règne encore une part de l'antique esprit bouddhiste de soumission aux éléments, de sentiment de contingence et de fragilité humaine.
La nature serait parfois considérée comme l'unique source d'événements aussi violents qu'inattendus...On ne peut se garder d'un cyclone, mais on peut alerter les populations, pour éviter le pire. On peut interdire les constructions en zônes réputées inondables,etc...
Si le tremblement de terre a fait tant de dégâts humains à Port-au-Prince, la responsabilité n'en revient-elle pas d'abord à l'incurie d'une politique (coloniale et postcoloniale) ancienne qui a laissé la misère s'installer dans l'île avec son cortège de pénuries et ses défauts d'infrastructures. La construction antisismique, qui a fait merveille à Tokyo, et qui demande des moyens et des décisions politiques, est inconnue à Ha
ïti.
C'est donc un problème économique, donc politique, de niveau de développement aussi bien sûr, mais en aucun cas la nature n'est "fautive", selon la vieille mentalité magique.
__Parfois la responsabilité humaine n'apparaît pas toujours avec autant d'évidence.
A Fukushima, on le sait maintenant,une multitude d'erreurs de la direction de la centrale a aggravé les effets du Tsunami. La première erreur a été de construire dans un endroit exposé à tant de risques connus. La parade au tsunami possible a été négligée: le mur de protection était dérisoirement insuffisant. L'intérêt à court terme a prévalu, contre toute mesure de prudence et de vision à long terme.
L'action (ou l'inaction) des hommes est parfois à l'origine de catastrophes qui auraient pu ne pas se produire avec un peu plus de prévoyance. Les graves inondations chroniques chinoises doivent beaucoup à une déforestation inconsidérée...
Les catastrophes d'origine humaine sont légion.
_________Si on prend le cas de l'ouragan Katrina, on peut clairement parler de négligence humaine, et même de problème politique:

__"Katrina, 2005 raconte l’ouragan survenu à la fin de l’été 2005 à la Nouvelle Orléans. Mais plus profondément, il raconte ce que ce désastre révèle : les fractures sociales résultant d’années de privatisation des formes de solidarité sociale à la suite des réformes conservatrices de l’État-providence américain. Les eaux portées par l’ouragan et entraînées par la rupture des digues ont mené à la destruction de la Nouvelle Orléans : 80% de la ville a été inondée, 1300 personnes ont péries, 1,5 millions de personnes ont été déplacées, quelques 150 000 personnes abandonnées sur place parce qu’elles n’avaient pas les moyens de quitter la ville par elles-mêmes
.
La catastrophe est sociale, bien plus que naturelle. Comme l’ont montré plusieurs travaux, elle est le produit d’une longue histoire de racisme et d’exclusion sociale, de machines économiques de développement urbain aveugles aux périls de la nature et d’ingénieries techniques qui, en tentant de contrôler les risques d’inondation par des digues, fabriquent la vulnérabilité de la ville par la fragilité de ces dispositifs et leurs conséquences perturbatrices sur l’écologie locale (érosion et affaissement du territoire en-dessous du niveau de la mer) . À la question lancinante de savoir comment un tel désastre a été possible, Romain Huret, en s’arrêtant sur les formes de protection des citoyens aux États-Unis au XXe siècle, apporte dans cet ouvrage un éclairage important : c’est l’abandon des pauvres par l’État, suite aux réformes conservatrices, qui a fait de Katrina ce désastre social...
"
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-Du risque à la catastrophe
-JP Dupuy

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