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lundi 10 mai 2010

Une crise (aussi) anthropologique ?


Pour une autre approche de l'économie et de la crise

Se réapproprier le sens de ce que nous subissons...
et s'extraire de l'
infantilisation

-Le crise ne nous oblige-t-elle pas à revoir nos modes de fonctionnement, pas seulement celles des stuctures?-

"Promouvoir chez les citoyens que nous sommes un sursaut d’autocritique parce que nous sommes tous partie prenante dans ce système."
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Point de vue:
- Le capitalisme vit une crise existentielle:
"Quand je parle de crise existentielle, je veux dire qu’en réalité les racines de cette crise sont existentielles et se trouvent en chacun de nous. On pourrait aussi parler d’une crise anthropologique. On oppose souvent crise financière et crise économique dans l’économie réelle. Je crois que ce n’est pas une bonne distinction parce que la finance n’est que la contrepartie plus abstraite de nos pulsions de possession et d’accumulation. L’argent qui circule dans la finance symbolise non seulement « mon pouvoir d’avoir » mais aussi mon pouvoir de commander le travail d’autrui à mes propres fins. Pourquoi chacun de nous aspire à ce pouvoir ? Pourquoi voulons-nous tous posséder et accumuler ? C’est parce que nous avons des besoins et nous avons aussi des envies.
La logique géniale ou diabolique du capitalisme, est de jouer sur la confusion entre « besoins » et « envies ». Le capitalisme a fini par nous faire prendre nos envies pour des besoins. C’est pourquoi nous courons après la consommation et l’accumulation. Donc c’est un système qui crée des compulsions répétitives chez la plupart d’entre nous, en tout cas ceux qui ont les moyens de se payer certaines choses, et qui crée en même temps des inégalités structurelles. De surcroît, il introduit une obligation de croissance car toute cette machine se base essentiellement sur le crédit et l’endettement.
Nous sommes donc dans une sorte de machine infernale où ces trois éléments tournent en boucle. ...
________Cette crise existentielle de l’économie est une crise vraiment essentielle du capitalisme, le symptôme d’un malaise profond. La crise existentielle de l’économie à laquelle on assiste aujourd’hui, repose d’abord sur une crise de confiance. Les gens consomment moins, on a tendance à ralentir l’accumulation, l’investissement. Mais ce qui ressort de mes travaux de recherche en philo de l’économie, c’est que la consommation, l’investissement et l’accumulation capitaliste sont eux-mêmes un symptôme du manque de confiance fondamental dans la vie et dans l’avenir. ...
En fait, le capitalisme a des racines religieuses anciennes. C’est une religion matérielle. Si je parle de crise existentielle c’est parce que nous ne pouvons pas nous passer, en tant qu’être humain, d’une réponse à notre manque profond, à notre angoisse existentielle, qui nous assigne notre humanité. L’expérience occidentale capitaliste était une tentative de combler cette angoisse d’être en lui fournissant de l’avoir. Elle a longtemps donné des bénéfices et puis maintenant elle commence à montrer ses limites...
__________Et pourtant, il est inévitable qu’il y ait un champ de croyance. Il nous faut une réponse à notre angoisse existentielle. Quand nos décideurs disent qu’il s’agit d’une crise de confiance dans le capitalisme, ils ont raison. Il est vrai qu’au niveau superficiel du fonctionnement du système, se manifestent en effet des anticipations pessimistes qui se réalisent d’elles-mêmes parce que tout le monde croit que ça n’ira pas… il n’y a plus de prêts entre les banques, il n’y a plus de crédits de trésorerie d’investissement aux entreprises, l’emploi chute, la consommation chute, etc… Donc à court terme, superficiellement, c’est vrai qu’on a l’impression que le problème vient du manque de confiance des gens dans l’avenir. Et l’on cherche à faire retrouver la confiance en nous faisant re-consommer et réinvestir.
Or, je tiens le raisonnement inverse : c’est parce que l’on n’a pas confiance dans la vie et dans l’avenir, que l’on consomme, que l’on surconsomme et que l’on se lance sans arrêt dans une course compétitive. Ivan Illich aurait dit qu’on se fabrique des prothèses hétéronomes, c’est-à-dire des prothèses qui nous complètent, au lieu de travailler sur notre autonomie… L’autonomie nous est volée par le système alors qu’il nous la promet.

___Cela signifie qu’on a construit pendant des siècles une culture basée sur le remplissage matériel, et symbolique aussi, d’un vide existentiel profond qui nous fait progressivement prendre les biens matériels, mais aussi les images, les idées, pour ce que j’appellerais des biens spirituels. Et du coup, on fait mine d’avoir confiance dans la vie en accumulant, en consommant, alors qu’en fait cette accumulation et cette consommation sont radicalement des manques de confiance dans l’avenir et dans la vie même...
il est très important de promouvoir chez les citoyens que nous sommes un sursaut d’autocritique parce que nous sommes tous partie prenante dans ce système. Il ne faut pas croire qu’il y a les méchants et les gentils. Nous sommes tous, en tant que consommateurs, investisseurs, rentiers, partie prenante dans ce système d’angoisse.

Je propose la mise en œuvre de trois sortes d’éthiques. Premièrement une éthique de la simplicité volontaire, un retour vers une convivialité beaucoup plus dépouillée… Deuxième éthique : une démocratisation radicale de nos institutions, y compris économiques, allant jusqu’à la démocratisation des entreprises…"
-Pour une approche éthique de l'économie
-Changer le monde et se changer


-Un crise aussi civilisationnelle ?
-La crise économique dans laquelle nous sommes embarqués a été qualifiée de "crise globale": ses aspects ne sont pas seulement techniques (flux financiers) et gestionnaires (dérégulation généralisée)
C'est un phénomène "social total" (Mauss), qui touche les rouages économiques et leur lubrifiant monétaire, mais aussi chaque individu en tant qu'il est producteur, consommateur, épargnant.Le mode de consommation américain, moteur et effet de la production, par exemple, les stimulations d'achat sans cesse générées par un système banquaire déresponsabilisé et dérégulé, jouant sur les désirs humains conditionnés par une publicité efficace, est au coeur du système. Il est à la fois cause et effet.
L'appel à la jouissance et la frustration entretenue, sans cesse relancée, est la clé qui permet à la machine de fonctionner et de durer...jusqu'au blocage.Le crédit sans fin ni contrôle révèle vite ses limites.
Changer le système sera aussi changer notre rapport à nous-mêmes, aux autres (solidarité ou concurrence?), en retrouvant collectivement la maîtrise de nos besoins, de notre style de vie, de notre pouvoir sur les mécanismes et les institutions qui régulent notre vie en commun. Modifier notre rapport à l'argent et le fétichisme qu'il engendre ainsi que notre regard sur l'avenir de toute l'humanité, pour quitter les oeillères que donne l'excessif désir de consommation et l'individualisme qui en découle...Projet hautement politique au sens noble du terme.
-De la crise financière à la crise de civilisation
--L’irrationalité du capitalisme au cœur de la crise de civilisation planétaire
-Des citoyens privatisés et infantilisés ?

-Ivan Illich
-Ivan Illich : La reconstruction conviviale -La convivialité.-Outil convivial

-Médecine, santé et société : les analyses d’Ivan Illich et Jean-Pierre Dupuy.

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