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lundi 17 août 2009

La France et la crise


Singularité hexagonale?

Notre pays semble (pour l'instant )s'en tirer un peu moins mal que beaucoup d'autres.
Y aurait-il un "french model"?
-"The French way of doing things looks pretty good—at least in these troubled economic times"-

Une grille d'interprétation de ce paradoxe:

France : pourquoi ça ne va pas plus mal?:
"L'économie hexagonale souffre un peu moins de la crise que celle de nos voisins : d'après les nouveaux chiffres publiés par l'Insee, la consommation a même progressé de 1,4 % en juin. Revue des raisons qui expliquent cette exception française.Selon les dernières prévisions de la Commission européenne pour 2009, le produit intérieur brut (PIB) de l'économie française devrait baisser de 3 % cette année. C'est un recul d'une ampleur sans précédent depuis l'après-guerre : en 1975, après le premier choc pétrolier, le PIB n'avait diminué que de 1 %, et il n'avait reculé que de 0,9 % lors de la dernière récession en date, en 1993. Pourtant, seule la Grèce et quelques-uns des nouveaux membres de l'Union connaîtront une récession moins forte dans l'Europe des vingt-sept. Tous nos grands voisins sont plus mal lotis : l'Espagne un peu (- 3,2 %), le Royaume-Uni aussi (- 3,8 %), l'Italie nettement (- 4,4 %) et l'Allemagne davantage encore (- 5,4 %). C'est le cas également du Danemark, des Pays-Bas, du Japon... Bref, tous les pays qu'on nous a successivement cités en exemple au cours des dernières décennies sont plus gravement affectés par la crise que la France (1).
Pourquoi cette – relative – bonne tenue de l'économie française ?
Elle provient du fait que la demande intérieure résiste mieux qu'ailleurs. Sa baisse est en effet limitée à 0,7 % (hors effets de la variation des stocks), selon les chiffres de la Commission européenne. Alors qu'elle sera de 2 % en Allemagne, 2,8 % aux Etats-Unis, 3,5 % au Royaume-Uni ou 4,9 % en Espagne. Là aussi, quasiment aucun autre pays européen ne connaîtra une baisse de sa demande intérieure aussi faible. La consommation privée, essentiellement celle des ménages, qui pèse 58 % du PIB, devrait même continuer à croître légèrement cette année dans l'Hexagone, alors qu'elle baissera de 0,9 point dans la zone euro et de 1,5 point dans l'Union à vingt-sept.L'autre grande composante de cette demande intérieure, l'investissement, celui des ménages dans l'immobilier et des entreprises en machines, locaux, etc., qui représente 21 % du PIB, devrait diminuer quant à lui de 5,9 %. Il s'agit là encore d'un recul brutal d'une ampleur quasiment sans précédent. Il devrait pourtant être quasiment deux fois moins marqué en France que dans l'ensemble de la zone euro (- 10,4 %), qu'au Royaume-Uni (- 12,3 %) ou encore qu'aux Etats-Unis (- 12,1 %) et au Japon (- 11,9 %). Notamment parce que l'investissement dans le logement reculera beaucoup moins qu'ailleurs.
Une démographie dynamique ;Cette relativement bonne tenue de la demande intérieure française, s'explique notamment par un déterminant de base souvent oublié : la démographie. La population française devrait s'accroître de 0,5 % en 2009, nettement moins que les 0,9 % prévus aux Etats-Unis, mais davantage que dans la plupart des autres pays européens : la population baisse en particulier en Allemagne et dans quasiment tous les nouveaux pays membres d'Europe de l'Est. Ainsi qu'au Japon.De plus, à la différence de l'Espagne ou de l'Italie, où la croissance de la population s'explique essentiellement par l'immigration, elle repose d'abord en France sur le dynamisme de la fécondité. Autrement dit, cet acquis démographique ne va pas s'inverser avec la crise, à la différence de ce qui commence à se produire par exemple en Espagne, où une bonne partie des Roumains venus travailler dans le bâtiment repartent dans leur pays d'origine. Le dynamisme démographique français contribue donc à soutenir la consommation des ménages, mais aussi la demande de logements. C'est un des éléments (nous reviendrons ultérieurement sur les autres) qui expliquent pourquoi l'investissement dans la construction ne devrait reculer « que » de 5,7 % cette année en France et les prix du mètre carré baisser moins significativement qu'ailleurs.Cerise sur le gâteau : ce relatif dynamisme démographique, s'il soutient la consommation, ne pèse pas négativement sur le marché du travail pour l'instant. Comme il s'agit surtout de jeunes enfants, la population active va quand même baisser cette année en France de 0,2 % sous l'effet des nombreux départs en retraite des baby-boomers, alors qu'elle continuera à augmenter de 0,2 % dans l'Union à vingt-sept et de + 0,1 % dans la zone euro. Ce qui contribue, avec le recul plus faible de l'activité, à expliquer pourquoi la progression du chômage, pour spectaculaire qu'elle soit, est elle aussi un peu plus modérée en France que dans la plupart des autres pays européen.
Une action publique qui amortit les chocs
.Au-delà du dynamisme démographique, le poids important de l'intervention publique contribue également à la relative résistance de la demande intérieure française. Les mécanismes de redistribution, très développés dans l'Hexagone, stabilisent la situation économique. Cependant, malgré l'image de volontarisme que Nicolas Sarkozy souhaite volontiers donner de son action, la France a pour l'instant été un des grands pays développés qui a le moins mobilisé l'intervention publique pour combattre la crise au-delà de l'effet mécanique des stabilisateurs automatiques préexistants.L'ensemble des dépenses publiques devrait représenter 55,6 % du PIB français cette année, selon les chiffres de la Commission européenne. Soit le niveau le plus élevé de l'Union à vingt-sept (la moyenne européenne est de 50,1) hormis la Suède, où ces dépenses représentent 56,6 % du PIB. L'essentiel de ces dépenses n'est cependant pas consommé par des administrations publiques, mais redistribué aux citoyens par le biais notamment de prestations sociales, qui représentent en France 34,6 % du PIB (dont 18,9 % sous forme de paiements directs d'allocations diverses). Ces mécanismes concourent puissamment à la stabilisation des revenus des ménages en temps de crise.Côté dépenses, les droits à recevoir ces prestations ne dépendent pas en effet du niveau de l'activité et sont même pour partie liés à la situation sociale des personnes. Ces dépenses augmentent donc automatiquement en cas de dégradation de la situation économique. En revanche, les recettes correspondantes sont en général proportionnelles aux revenus d'activité ; elles tendent donc à diminuer en temps de crise. Cet effet de ciseaux aboutit à creuser automatiquement les déficits publics et entraîne donc un soutien budgétaire à l'activité sans qu'il soit nécessaire de prendre des mesures politiques particulières. C'est pour cela qu'on appelle ces mécanismes des « stabilisateurs automatiques ».Si les dépenses publiques françaises sont, de longue date, parmi les plus importantes, elles ont en revanche très peu augmenté au cours de la crise. Alors qu'elles s'accroissaient (en termes réels, c'est-à-dire une fois l'effet de l'inflation déduit) de 17 % aux Etats-Unis entre 2007 et 2009, de 14 % en Espagne ou de 11 % au Royaume-Uni, elles ne gagnaient que 3,8 % en France. Parmi les grands pays européens, il n'y a qu'en Italie, avec une hausse de 1,2 % seulement, qu'elles ont moins progressé qu'en France. Ce qui contribue à expliquer la situation très dégradée actuellement de l'économie italienne. Le poids des dépenses de protection sociale ne s'est en particulier accru en France que de 2 points de PIB entre 2007 e.
L'emploi public joue également un rôle de stabilisation important car il ne suit pas les cycles économiques. Avec 13,2 % du PIB consacré en 2009 à la rémunération des salariés du secteur public, la France se situe, sur ce terrain, au-dessus d'une moyenne européenne qui est de 11 %. Mais elle reste loin derrière les 15,6 % du PIB qui vont en Suède aux salariés du secteur public et encore plus des 18,3 % du Danemark. La France est aussi beaucoup plus proche qu'on ne le pense généralement du Royaume-Uni sur ce plan : la part des salaires du secteur public atteint outre-Manche 11,8 % du PIB.C'est un état de fait peu connu mais, en dehors de la Slovaquie, c'est en Allemagne que l'emploi public pèse le moins lourd parmi les 27 pays de l'Union avec seulement 7,4 % du PIB qui va aux salariés du secteur public. Ce qui contribue à expliquer la violence du choc que subit actuellement l'économie de notre voisin d'outre-Rhin quand l'activité de son secteur privé fléchit. Le gouvernement français est, en revanche, parmi tous les grands pays européens, un de ceux qui a le moins utilisé le levier de l'emploi public pour lutter contre la montée du chômage : entre 2007 et 2009, le poids des salaires versés aux employés du secteur public ne s'est accru que de 0,4 point dans le PIB français, contre + 1,6 point en Espagne, + 0,9 au Royaume-Uni ou + 0,8 en Italie.Par ailleurs, nous avons souligné précédemment le recul – important, mais plus faible qu'ailleurs – de l'investissement en France. Mais ce n'est pas grâce au dynamisme de l'investissement public que les dégâts ont été limités jusqu'ici. Alors que son poids s'est accru de 1,8 point entre 2007 et 2009 dans le PIB des Etats-Unis, de 0,9 point au Royaume-Uni et de 0,5 point en moyenne dans l'Union, il ne devrait progresser que de 0,2 point en France, selon la Commission.Les pouvoirs publics peuvent aussi soutenir l'activité en diminuant les prélèvements qu'ils opèrent sur les revenus en temps de crise. Que ce soit du fait des pertes de recettes liées aux stabilisateurs automatiques déjà évoquées ou par des baisses d'impôts supplémentaires décidées spécifiquement. Là aussi, alors que la part des recettes publiques baisse de 4,4 points de PIB en Espagne et de 2,3 points au Royaume-Uni et aux Etats-Unis entre 2007 et 2009, elle ne diminuerait, selon la Commission européenne, que de 0,6 point en France. Ces recettes augmentent cependant dans le même temps de 0,3 point en Allemagne et en Italie, une politique pas vraiment favorable à la croissance...Si on cumule les effets des stabilisateurs automatiques et des mesures discrétionnaires prises par les gouvernements des différents pays depuis deux ans, la France est, avec l'équivalent de 3,9 points de PIB injectés dans le circuit économique, un des grands pays où les pouvoirs publics ont le moins soutenu l'activité entre 2007 et 2009. Un peu plus toutefois qu'en Allemagne (3,7 points de PIB) ou qu'en Italie (3 points seulement), mais beaucoup moins qu'aux Etats-Unis (9,4 points) et qu'au Royaume-Uni (8,8 points). Nettement moins également que dans les pays scandinaves, plus proches de la France en termes de niveau des dépenses publiques : en Suède, les pouvoirs publics ont injecté 6,4 points de PIB dans l'économie et quasiment autant au Danemark et en Finlande.
Bref, si l'activité recule en France un petit peu moins qu'ailleurs, ce n'est pas vraiment grâce à l'action décidée des pouvoirs publics depuis deux ans, mais plutôt malgré l'ampleur très limitée de celle-ci... Raison pour laquelle d'ailleurs, grâce au volontarisme (réel cette fois) de leurs gouvernements, les Etats-Unis et l'Espagne devraient connaître un recul de l'activité à peine plus important que la France, malgré l'ampleur beaucoup plus forte des chocs qui les ont frappés...
Même si elle limite l'impact immédiat de la crise, cette faiblesse industrielle n'est évidemment pas un atout pour l'économie française. La désindustrialisation se traduit toujours par des drames humains et des difficultés persistantes pour les territoires concernés. Et il y a tout lieu de craindre que la crise actuelle emportera à nouveau des pans entiers de ce qui reste du tissu industriel français. En particulier dans la filière automobile, déjà en grande difficulté avant la crise. A terme, on peut s'interroger sur la capacité à maintenir des centres de décision, des activités de recherche ou de marketing sur un territoire qui aurait perdu toute activité de production (voir entretien). La France dispose certes de nombreux atouts pour attirer les touristes ou les retraités étrangers, mais il paraît peu probable qu'un pays transformé en gigantesque parc de loisirs suffise à garantir un niveau de vie aussi élevé qu'actuellement à toute la population française...Le problème de l'industrie hexagonale n'est pas au premier chef une question de coûts : malgré les efforts considérables mis en œuvre depuis dix ans pour limiter le coût du travail outre-Rhin, un salarié allemand de l'industrie manufacturière coûtait toujours 32 % de plus qu'un salarié français par heure de travail en 2007, selon les chiffres rassemblés par le Bureau of Labor Statistics (BLS) américain. Et la productivité très élevée des salariés français est largement reconnue. C'est surtout du côté de ce que les spécialistes appellent la « compétitivité hors coût » que cela pèche : la capacité d'innover, de coller rapidement à une demande évolutive... Cela se traduit notamment par le fait que les industriels français n'arrivent pas, contrairement en particulier à leurs collègues allemands, à maintenir des prix de vente élevés. Pour défendre leurs parts de marché, ils doivent abaisser leurs prix de vente, ce qui ronge leurs marges et explique le faible niveau global des profits des entreprises françaises.
Pour changer cela, il n'existe cependant aucune solution de court terme : il faut une action de longue haleine, en matière de recherche, d'enseignement..., mais aussi pour transformer un tissu industriel caractérisé par des entreprises trop nombreuses et trop petites. Il ne suffira certainement pas en tout cas de diminuer les dépenses publiques pour y parvenir..."
(G.Duval)

-Pourquoi il faut sauver le modèle français - AgoraVox
-Paul Jorion - La France et la crise : un an déjà
-The Economist : la France fait mieux que les Anglo-Saxons
-Nicolas Sarkozy ou le libéralisme contrarié | Rue89

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Sauf pour ce qui concerne la compétitivité "hors coûts" sur laquelle je n'ai pas assez d'éléments pour juger, je trouve la synthèse excellente.
Léon.

Etienne Celmar a dit…

Merci de ton avis
Cordialement