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lundi 24 septembre 2007

DSK : sauveur du FMI ?




AgoraVox le média citoyen : FMI : Faut-il aider le soldat Strauss-Kahn ?



La nomination de DSK à la direction du FMI est maintenant une certitude (1). Obligé de renoncer à ses ambitions sur la scène politique française, son départ prochain pour New York préfigure-t-il un changement de cette instance internationale si souvent décriée, parfois traitée de "pompier pyromane"(2), parce qu’elle semble réparer les dégâts qu’elle a elle-même causés ? Si l’on en croit certaines déclarations de DSK, il y a urgence à le faire, car a-t-il affirmé : "Pour de nombreuses personnes, le FMI est le diable et il y a des raisons à cela". (3)(4)
Mais, aura-t-il les moyens de ses ambitions et jusqu’où peut aller sa volonté de changement, qui, pour l’instant, manque de précision ? Ne sera-t-il pas l’otage d’un système sur lequel les grandes puissances ont la haute main, particulièrement les Etats-Unis, et n’est-il pas déjà condamné à l’échec, quand on connaît de quelle manière sa candidature a été proposée et par qui il a été appuyé ?
La petite histoire retiendra que cette dernière a été l’aboutissement de contacts et de tractations officieuses assez obscures et pour le moins peu démocratiques. Si l’on en croit R. Bacqué du Monde, tout aurait commencé à Yalta, fin juin 2007(5). Là se réunissait le YES (Yalta European Seminar), think tank regroupant tout ce que le monde compte de têtes importantes dans le domaine de la finance et de la vie politique. DSK y rencontre P. Lellouche, qui lui fait part de la possibilité de sa candidature, soutenue par N. Sarkozy, qui voit en lui "un homme de qualité, qui a une expérience et une compétence". Un ami de longue date, Claude Junker, président de l’Eurogroup, l’incite à tenter l’expérience (6), puisque le mandat de l’Espagnol Rodrigo Rato a pris fin. Camdessus est emballé : "Ce sera un candidat du tonnerre !" (7).
Fort de ces appuis, DSK prend son bâton de pèlerin et parcourt le monde, aux frais de l’Etat français, pour convaincre le maximum de gouvernements, avec l’aide discrète de l’Elysée, trop content de déstabiliser un peu plus le P.S... Il se heurte aux résistances de certains pays africains et asiatiques ainsi que de l’Argentine, qui ont eu à souffrir des interventions parfois brutales du FMI et qui ont une représentation dérisoire dans les instances de décision. La presse britannique se déchaîne contre cette candidature, mais le 4 septembre, Georges Brown donne son accord. Moscou avance son pion, en la personne du Tchèque J. Tosovsky, mais sans succès. Le 19, les Etats-Unis apportent leur appui définitivement. Le 20, c’est le grand oral devant les administrateurs du FMI.
Mais que pourra faire DSK, dont on connaît les options social-libérales, les relations politiques et économiques qu’il entretient et le mode de fonctionnement du FMI et de ses choix en matière de gouvernance économique mondiale ? Réformes de détail ou révolution structurelle ?
Il n’est pas inutile de revenir rapidement sur l’origine de cette institution et ses pratiques.
« Le FMI est né en juillet 1944 lors de la conférence de Bretton Woods qui vit adopter le système monétaire international de l’après Seconde Guerre mondiale. Ce système, proposé par le représentant américain Harry Dexter White, reposait sur trois règles :
* chaque État devait définir sa monnaie par rapport à l’or, ou au dollar américain lui-même convertible en or. Il en découlait pour chaque monnaie une parité officielle en or ou en dollar (système dit d’« étalon de change-or » ou « gold exchange standard ») ;
* la valeur des monnaies sur le marché des changes ne devait fluctuer que dans une marge d’1 % par rapport à leur parité officielle ;
* chaque État était chargé de défendre cette parité en veillant à équilibrer sa balance des paiements.
Afin d’essayer de garantir la stabilité du système monétaire international, les accords de Bretton Woods donnent naissance au Fonds monétaire international. Le rôle de cette organisation est donc de promouvoir l’orthodoxie monétaire afin de maintenir un contexte favorable à l’essor du commerce mondial, tout en accordant des prêts à certains pays en difficultés dans le contexte de la reconstruction d’après-guerre. Le FMI est plus ou moins complémentaire des autres grandes institutions économiques créées à l’époque : la BIRD (Banque internationale pour le développement et la reconstruction, aussi appelée Banque mondiale) qui fut créée en même temps que le FMI, et le GATT (General Agreement on Tariffs and Trade) signé peu de temps après.
Lors des négociations de Bretton Woods, le représentant britannique, l’économiste John Maynard Keynes, souhaitait la création d’une institution bien plus importante, une véritable Banque centrale mondiale destinée à émettre une monnaie internationale, le « Bancor ». Cette proposition fut rejetée. Elle aurait signifiée pour les États-Unis une perte de souveraineté vis-à-vis d’une institution internationale et les aurait empêché de profiter de la position dominante du dollar américain à l’époque. »(Source : Wikipedia) (8)
Plusieurs fois réformé par la suite, sa mission essentielle aujourd’hui est « de garantir auprès de ses contributeurs la bonne utilisation des fonds alloués à tel ou tel pays. Il ne s’agit pas seulement de retarder la crise par l’octroi d’une aide monétaire temporaire, mais de profiter du répit accordé par le prêt pour corriger les causes structurelles des difficultés économiques. Ainsi le FMI exige des emprunteurs qu’ils mettent en place les politiques économiques qu’il préconise : les « politiques d’ajustement structurel ».
Finalement les trois grandes missions du FMI sont :
* d’accorder des prêts aux pays en difficulté financière ;
* de conseiller les États membres quant à leur politique économique ;
* d’apporter une assistance technique et des offres de formation aux États membres dans le besoin. Prévenir les crises systémiques, fournir des liquidités à certains pays en cas de graves difficultés pour remédier à leurs problèmes de balance des paiements par des prêts à bon compte.
Suivant une ligne néolibérale très orthodoxe, tout en étant paradoxalement décrié par les plus ultralibéraux de l’école de Milton Friedman, car encore trop interventionniste à ses yeux, le FMI est accusé de favoriser la domination des pays les plus riches au détriment des moins bien pourvus. 2 700 salariés, adhésion de 185 pays. Le problème est la sous-représentativité des pays les plus faibles. Par ex. la Belgique dispose de 2,02 % des droits de vote alors que le Brésil en a seulement 1,38 % ; 43 pays africains n’en détiennent ensemble que 4,4 %. Inspiré du "consensus de Washington", les remèdes proposés par le FMI exigent la réduction des déficits et des subventions, la baisse des impôts, l’assainissement du secteur bancaire, l’encadrement des salaires, l’ouverture aux importations, avec pour conséquences l’augmentation des prix, la suppression des services publics et des politiques sociales, l’appauvrissement de vastes secteurs de l’économie (agriculture notamment), la baisse du pouvoir d’achat. A l’occasion de la crise asiatique de 2001-2002 notamment, il a préconisé des déréglementations qui se sont soldées par les résultats que l’on sait. De même en Argentine. Au Mali, la privatisation imposée du secteur cotonnier a contribué à appauvrir un peu plus une population vivant avec moins de deux dollars par jour, en conduisant à une chute de 20 % du prix du coton. (9)
Donc, manque de représentativité, effets pervers de beaucoup de ses interventions et crise aiguë de légitimité. DSK a donc une tâche énorme devant lui. Il lui faudra aussi trouver des recettes, car le déficit est très important. Si les choses restent en l’état, on verra naître des projets de FMI régionaux, comme actuellement en Asie (Chiang Mai en Thaïlande) ou en Amérique latine, pour mutualiser les réserves et prêter à ceux qui seraient en crise (Banque du Sud). Peut-être ces projets sont-ils ceux qui ont le plus de chances d’être efficaces et justes, pour éviter la dictature du roi-dollar, via l’organisme international, et les violences sociales, conséquences d’une gestion dogmatiquement ultralibérale des mesures généralement préconisées.
Mais peut-être le FMI n’est-il pas réformable, étant donné aussi son fonctionnement opaque (seul un résumé des décisions de son conseil est rendu public ). Les Etats-Unis y "disposent d’un veto de fait" et les pays pauvres qui souhaitent bénéficier des prêts doivent s’aligner sur ses exigences. DSK a déjà proposé une règle de "double majorité" requise pour toutes les décisions - majorité de voix et de pays. Mais cela suffira-t-il, si on ne change pas toutes les règles du jeu ?
Certaines voix se font entendre pour préconiser une transformation radicale du système, voire sa suppression pure et simple. Parmi les "réformistes", on compte notamment J. Stiglitz, prix Nobel d’économie, ancien vice-président de la Banque mondiale, qui fait une critique sans concession d’une institution au service de son principal bailleur de fonds, les Etats-Unis (10). Dans La Grande Désillusion, il dit : « Si l’analyse des déséquilibres mondiaux par le FMI n’est pas équitable, si le Fonds n’identifie pas les États-Unis comme étant le principal coupable, s’il ne concentre pas son attention sur la nécessité de réduire le déficit budgétaire américain par des impôts plus élevés pour les citoyens les plus riches et de dépenses plus faibles en matière de défense, la pertinence du FMI risque fort de décliner au cours du XXIe siècle ».
D’autres critiques vont plus loin encore. Certains pays en voie de développement sont très remontés contre la politique économique du FMI , et on en comprend les raisons. Ces critiques sont relayées par divers mouvements altermondialistes dénonçant l’interventionnisme souvent aveugle des "experts" du FMI, ignorant la réalité du terrain (11,12). Certains vont même jusqu’à affirmer que son intervention a contribué à l’éclatement de la fédération yougoslave, entraînant les conséquences que l’on sait (13).
Alors, l’action de DSK est-elle vouée à l’échec s’il ne s’ attaque pas la racine du mal, s’il ne remet pas en question fondamentalement l’esprit et l’idéologie de cette institution et les rapports de force qu’elle cache et manifeste à la fois ? Les conditions de son accès à cette nouvelle fonction, les relations privilégiées qu’il entretient depuis longtemps avec le monde de la finance internationale (14), sa tiédeur réformiste, malgré ses déclarations fracassantes, ne compromettent-elles pas toute chance de succès d’une radicale transformation des pouvoirs s’exerçant au sein de l’institution qu’il va diriger, notamment - et c’est le fond du problème - de l’hégémonie de la puissance impériale américaine depuis 1945...(15)
Alors, faut-il aider le soldat DSK dans son combat à venir ou la bataille est-elle perdue d’avance ?
Adieu Bretton Woods ?...




ZEN

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