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mardi 13 février 2018

Une notion confuse

 PIB en question
                          Le Produit intérieur brut est souvent présenté ou perçu par ceux qui y font référence comme une donnée objective, comme une sorte de reflet de ce Adam Smith appelait la richesse des nations.
   Alors que, bien que fonctionnelle d'un certain point de vue, c'est une notion construite, sur des bases de calcul parfois discutables, n'ayant qu'une valeur relative et quelque peu illusoire.
    Que la notion de PIB soit un indicateur plus qu'imparfait est le moins que l'on puisse dire.
 Il est souvent trompeur si on ne l'aborde pas de manière critique
     Le fait que la France, par exemple, va intégrer  les revenus de la drogue  dans son PIB devrait interroger sur le fétichisme économique  qui caractérise cette notion. Même des activités économiques illégales estimées finissent pas entrer dans son calcul. Par exemple, Eurostat estime que le trafic de drogue, la prostitution (là où elle n’est pas légale) et le trafic d’alcool et de tabac entrent bel et bien dans le cadre de cet accord mutuel. Ils doivent donc être intégrés dans le PIB. Et tous finissent par s'aligner sur ces modes de calcul.
   Il importe de démystifier la tendance à identifier PIB et richesse et surtout qualité de vie. Comme interrogeait E.Joly: "La France produit trois fois plus qu'il y a trente ans. Sommes-nous trois fois plus heureux?...les richesses sont-elles mieux réparties?
    La vraie question à se poser est: qu'est qui fait la richesse?de quoi sommes-nous riches?
".....Le PIB ne pouvant mesurer que les facteurs auxquels un prix est associé, il exclut automatiquement ce qui ne ressort pas de la sphère de l’économie, comme la faible criminalité, la stabilité familiale et la salubrité de l’air. Inversement, les coûts « négatifs » que sont le contrôle de la pollution ou les dépenses en systèmes d’alarme et en frais de garderie constituent une adjonction au PIB même s’ils contribuent peu au bien-être général ou n’y contribuent aucunement. Le PIB ne tient pas non plus compte des investissements en capital social, comme les investissements dans les collectivités ou les institutions sociales....."
 Le PIB est donc un objet comptable non ou mal identifié.  
      Selon Patrick Viveret, il faut reconsidérer la richesse et ses aspects qualitatifs, qui ne sont pas des objectifs comptables comme la notion de croissance peut l'être aussi.
        "...Peu regardante sur ce qu’elle additionne, la Croissance oublie par contre toutes les activités humaines qui ne donnent pas lieu à des dépenses monétaires : entraide, vie associative, temps passé avec nos enfants et attention aux anciens, ...
Souhaite-t-on une société où la principale boussole est celle du chiffre d’affaires, et où l’on accepte des inégalités de revenus de plus en plus criantes ?
Une société où les dégâts écologiques ne viennent jamais remettre en cause la logique de la course aux profits ? Souhaite-t-on une société où les dépenses de santé sont très élevées ou une société dont les personnes sont en bonne santé ? Souhaite-t-on une société où les loisirs ne sont "bons" que si ils entraînent des dépenses, ou choisit-on la douceur de vivre ? Et ainsi de suite...
Le PIB et la Croissance sont bien loin de mesurer l’amélioration du bien-être d’une société et du "bien-vivre" des individus. Ce ne serait pas si grave si cet indicateur se cantonnait à ce qu’il est, un regard sur les activités économiques. Mais son omniprésence dans les esprits en fait le raisonnement principal, affecte notre quotidien, empêche d’autres regards ...
La santé par exemple n’est abordée que comme une dépense, alors qu’elle devrait être traitée en termes d’investissement sur l’être humain. Mais la prévention est moins productrice de "croissance" que la réparation... Et les dégâts de la pollution ou du stress au travail sur la santé, par exemple, ne sont jamais comptabilisés en négatif dans le chiffre d’affaire des entreprises.... "
        Comme le soulignait déjà Aristote"L'argent n'est qu'une fiction et toute sa valeur celle que la loi lui donne. L'opinion de ceux qui en font usage n'a qu'à changer, il ne sera plus d'aucune utilité et ne procurera pas la moindre des choses nécessaires à la vie. On en aurait une énorme quantité qu'on ne trouverait point, par son moyen, les aliments les plus indispensables. Or il est absurde d'appeler "richesse" un métal dont l'abondance n'empêche pas de mourir de faim ; témoin ce Midas à qui le ciel, pour le punir de son insatiable avarice, avait accordé le don de convertir en or tout ce qu'il toucherait.
   Rien à voir avec le bien-être, sous ses différents aspects, encore moins avec le bonheur
    On peut se référer en ce sens au discours de Bob Kennedy à l' université du Kansas le 18 mars 1968:
      Notre PIB prend en compte, dans ses calculs, la pollution de l'air, la publicité pour le tabac et les courses des ambulances qui ramassent les blessés sur nos routes. Il comptabilise les systèmes de sécurité que nous installons pour protéger nos habitations et le coût des prisons où nous enfermons ceux qui réussissent à les forcer. Il intègre la destruction de nos forêts de séquoias ainsi que leur remplacement par un urbanisme tentaculaire et chaotique. Il comprend la production de napalm, des armes nucléaires et des voitures blindées de la police destinées à réprimer des émeutes dans nos villes. Il comptabilise la fabrication du fusil Whitman et du couteau Speck, ainsi que les programmes de télévision qui glorifient la violence dans le but de vendre les jouets correspondants à nos enfants. En revanche, le PIB ne tient pas compte de la santé de nos enfants, de la qualité de leur instruction, ni de la gaieté de leurs jeux.Il ne mesure pas la beauté de notre poésie ou la solidité de nos mariages. Il ne songe pas à évaluer la qualité de nos débats politiques ou l'intégrité de nos représentants. Il ne prend pas en considération notre courage, notre sagesse ou notre culture. Il ne dit rien de notre sens de la compassion ou du dévouement envers notre pays. En un mot, le PIB mesure tout, sauf ce qui fait que la vie vaut la peine d'être vécue.

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