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lundi 12 décembre 2016

Mémoire(s) et violence

 De mémoire en mémoire
                              Sans mémoire, pas d'humanité. Elle structure la conscience au plus intime. Sa perte le vérifie: c'est la dissolution de l'identité, comme dans certains troubles psychiques majeurs.
    Sans mémoire collective, même partielle et déformée,pas de vie des peuples, pas d'histoire.
        Il y a la mémoire qui sauve et celle qui tue.
       Celle qui apaise et construit, celle qui ronge et détruit, qui culpabilise ou qui libère.
        Celle qui génère mal-être ou allégement du sujet.
  Il y a les mémoires manipulées et celles qui sont mythifiées ou instrumentalisées, volontairement ou non.
         La mémoire est la meilleure ou la pire des choses, comme disait Esope de la langue
           La mémoire de la revanche annonce parfois la pire des catastrophes, la vengeance collective meurtrière
   ______                 Elle peut être " dangereuse", si comme le dit B.Stora, elle nous installe avec passion et aveuglement, sans critique rationnelle et historique, dans un rapport faussé à un passé traumatisant qui n'est pas analysé, pas "digéré", un passé qui n'est pas passé, un passé exploité à des fins politiques, continuant à ronger le présent et les relations communautaires.
  Une mémoire qui est devenue un piège, une cicatrice qui met du temps à guérir.
       Sortir de la violence des mémoires n'est pas une mince affaire et l'auteur s'y essaie avec ses moyens , sa formation et son histoire personnelle.
   A propos de la Guerre d'Algérie, dont certains effets restent présents sourdement, son sujet d'élection, il affirme qu'il faut décoloniser l'imaginaire, ce qui est un travail de longue haleine et un combat contre les forces qui s'y opposent.
         La partie la plus intéressante et originale de l’ouvrage est celle qui envisage l’évolution de cette mémoire côté algérien ainsi que chez les descendants français d’immigrés algériens. Objet de luttes entre mouvements nationalistes, cette mémoire fut longtemps confisquée en Algérie par un FLN soucieux de magnifier « ses » héros à l’exclusion des autres. Les mêmes violents clivages ont opposé les Algériens immigrés : on a aujourd’hui oublié les « 5 000 victimes et 12 000 blessés » causés par les affrontements entre le MNA de Messali Hadj et les militants du FLN : « comment, dans ces conditions, écrit Stora, transmettre à ses enfants un itinéraire politique qui a conduit à des liquidations physiques ? ». Difficile enfin pour ces nouvelles générations d’honorer le combat des pères pour l’indépendance, tout en revendiquant des droits à l’intérieur de la société française. D’où le vigoureux appel de Benjamin Stora à une sérieuse prise en charge de ces questions par les pouvoirs publics, y compris l’école, loin des mascarades organisées autour du prétendu « rôle positif de la colonisation »
    Dépasser les positions et les ambiguïtés de Camus.
         La réflexion de Stora reste à affiner et à approfondir, Une réflexion sainement militante, parfois courageusement engagée, d'une actualité toujours brûlante, à la lumière du présent.
   Sortir de la concurrence victimaire est un impératif; conditionnant le vivre-ensemble.
                  Problème autant politique que culturel.
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