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mardi 13 septembre 2016

Sauver le projet européen?

 Pavane pour une Europe (déjà) défunte.
                                                          On ne sait pas où on va, mais on y va...
  ...Vers l'impasse.
                    Sans capitaine, sans boussole, sans changement de cap, il faut s'attendre à ce que le beau projet initial, malgré ses racines impures, sans réactions vigoureuses et rapides, sans tournant majeur, se perdent dans l'océan des bonnes intentions et des marais bureaucratiques... Si de nouvelles cartes ne sont pas établies, sur d'autres bases que la ligne ultralibérale en cours, que beaucoup voient comme une impasse, pas seulement démocratique.
       Et si l'idée d'une Europe fédérale, unie politiquement, n'était qu'un échec programmé ou un horizon pour un futur encore impensable, une autre époque? Il faut renégocier des formes nouvelles de partenariat sur des bases économiques repensées, avec une monnaie sans doute commune, mais plus unique, sur fond de solidarité réelle, non plus fictive.
   Sinon, la chute sera d'autant plus brutale que l'échéance d'une refondation nécessaire n'aura pas été anticipée, préparée, négociée.
    On n'a pas la choix: l' Europe doit changer ou disparaître.
  Surtout à l'heure où les extrêmes et les replis nationaux, voire nationalistes, se manifestent
             Certains annoncent la fin de l'UE telle qu'elle est comme une éventualité assurée.
  Une autre fiscalité pourrait-elle nous sortit du bourbier? C'est nécessaire, mais pas suffisant.
    De tous le problèmes qui agitent les esprits actuellement, celui du destin de l'UE est au premier plan, sans doute pour un bon moment, tant que des initiatives majeures ne sont pas prises pour sortir de l'impasse.
   Une obligation vitale? Il ne suffit pas de le dire... 
      C'est d'une révolution citoyenne dont nous avons besoin, qui passe par des mesures coercitives à l'égard des puissants intérêts pour qui l'espace européen est un fructueux terrain de jeu vassalisé.
    Sans tomber dans de nouvelles utopies.
 Il ne sera pas simple de surmonter les divisions, mais quelle autre perspective si l'on ne souhaite pas, dans les pires conditions, la fin de Europe?
__Un tournant désastreux.
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"....Selon un certain nombre d'économistes qui n'ont pas une courte vue, la situation exige un tournant, qui sera difficile:
                  ...Un tournant profond dans la stratégie européenne, pour protéger la capacité des pays européens à choisir leur modèle économique et social : lutter contre le dumping social, rétablir les barrières nécessaires pour éviter les transferts de profits dans les pays à bas taux d’imposition de sorte que les profits réalisés dans un pays y soient bien taxés, limiter l’accès aux marchés bancaires et financiers européens aux institutions qui respectent les normes européennes (qui devraient être durcies), aller jusqu’au bout du combat pour imposer à toutes les institutions financières l’obligation de déclaration des avoirs des non-résidents au fisc de leur pays.
     Mais deux questions de fond restent ouvertes. Quelles sont les souverainetés nationales qui doivent être respectées et quelles sont celles que les peuples doivent volontairement abandonner, par exemple en matière de lutte contre le changement climatique, de normes écologiques ou sanitaires, d’harmonisation fiscale et sociale ? 
  Comment décider des normes du commerce international ? L’évolution en cours (des traités bilatéraux signés sous la pression des lobbys sans consulter les peuples) est dangereuse. Comment mettre en place un multilatéralisme ouvert, soucieux de normes sanitaires, sociales et écologiques ?
        L’Union européenne, et tout particulièrement la zone euro, se porte mal. Les déséquilibres entre pays membres se sont accrus avant la crise de 2008. Après celle-ci, la zone euro n’a pas été capable de mettre en place une stratégie coordonnée permettant le retour vers un niveau satisfaisant d’emploi et la résorption des déséquilibres entre États membres. Les performances économiques sont médiocres pour de nombreux pays de la zone euro et catastrophiques pour les pays du Sud. La stratégie mise en œuvre depuis 1999, renforcée depuis 2010  « discipline budgétaire/réformes structurelles » a un bilan catastrophique sur les plans économique et social ; elle dépossède les peuples de tout pouvoir démocratique. C’est encore plus vrai pour les pays qui ont « bénéficié » de l’assistance de la Troïka (Grèce, Portugal, Irlande) ou de la BCE (Italie, Espagne) – une mise sous tutelle mortifère en réalité. En 2015, le plan Juncker destiné à relancer l’investissement, a marqué un certain tournant, mais celui-ci demeure timide et mal assumé : il ne s’accompagne pas d’une réflexion sur la stratégie macroéconomique et structurelle. Par ailleurs l’Europe n’est pas un pays. Il existe entre les membres de l’UE des divergences importantes d’intérêts, de situation, de dynamisme démographique, d’institutions, d’idéologies qui rendent tout progrès difficile. Comment faire converger vers une Europe sociale ou une Europe fiscale des pays dont les peuples sont attachés à des systèmes structurellement différents ? Cela d’autant plus qu’aujourd’hui, compte tenu des rapports de force, la convergence, sous l’égide d’une Commission et d’un Conseil tels qu’ils sont actuellement, se ferait vers le bas. L’Europe aurait besoin d’une stratégie économique et sociale forte, mais celle-ci ne peut pas être aujourd’hui décidée collectivement en Europe tant qu’un rapport de force satisfaisant n’aura pas été établi.
       Ce marasme a deux causes fondamentales. La première concerne l’ensemble des pays développés. La mondialisation creuse un fossé  profond entre ceux qui y gagnent et ceux qui y perdent. Les inégalités de revenus et de statuts s’accroissent. La part des emplois  précaires et mal payés augmente. Les classes populaires sont les victimes directes de la stratégie des entreprises d’aller produire dans des pays à bas salaires (que ce soient les pays asiatiques ou les pays d’Europe centrale et orientale) ou d’utiliser des travailleurs détachés à bas coût. On leur demande d’accepter des baisses de salaires, de prestations sociales, de droits du travail. Dans cette situation, les élites et les classes dirigeantes peuvent être ouvertes, mondialistes et pro-européennes tandis que le peuple est protectionniste et nationaliste. C’est le même phénomène qui explique la poussée du Front National de l’AFD, de l’UKIP, et aussi aux États-Unis de Donald Trump chez les Républicains.
            L’Europe est actuellement gérée par un fédéralisme libéral et technocratique, qui veut imposer aux peuples des politiques ou des réformes que ceux-ci refusent, pour des raisons, parfois discutables, parfois contradictoires, mais souvent légitimes. L’Europe, telle qu’elle est actuellement, affaiblit les solidarités et cohésions nationales, ne permet pas aux pays de choisir des stratégies spécifiques, que rend nécessaires la disparité des situations des États membres.  Dans une telle situation, le retour à la souveraineté nationale est une tentation logique.
Ainsi, tout vote populaire est un vote contre l’Union européenne. En même temps, la déstabilisation des classes populaires sous l’effet de la désindustrialisation, de la précarisation, fait qu’une alternative conduite par les forces progressistes a du mal à apparaître en Europe.
Le départ du Royaume-Uni, farouche partisan du libéralisme économique, hostile à toute augmentation du budget européen, à tout accroissement des pouvoirs des institutions européennes, et à l’Europe sociale, pourrait modifier la donne dans les débats européens, mais certains pays d’Europe centrale et orientale, les Pays-Bas et l’Allemagne, ont toujours eu la même position que le Royaume-Uni. Certes, le départ de Jonathan Hill du poste de Commissaire à la régulation financière est une bonne nouvelle. Mais les classes dirigeantes, les milieux d’affaires, les institutions financières se sont toujours opposés à tout progrès de la régulation économique (que l’on pense par exemple aux débats sur la séparation des banques de dépôt et des banques d’affaires ou sur la taxation des transactions financières).  Le Brexit ne suffira pas, à lui seul, sans modification du rapport de force, à provoquer un tournant dans les politiques européennes.  Mais le débat est ouvert, comment faire évoluer l’Europe ? Le débat se pose sur deux plans, le cadre institutionnel et les politiques menées. 
           En la matière, les choses sont relativement claires. Deux stratégies sont possibles.
La première serait de poursuivre et accentuer la politique actuelle. Cela consiste à imposer aux peuples des politiques d’austérité budgétaire, de baisse des dépenses publiques et sociales, de baisse aussi des impôts sur les plus riches et les entreprises ; et en parallèle à mettre en œuvre des politiques de réformes structurelles, c’est-à-dire de libéralisation des marchés des biens et des services, des marchés financiers, des marchés du travail. Les dettes publiques ne seront pas garanties de sorte que les marchés financiers se verront confier la tâche de contrôler les politiques budgétaires. Les pays seront censés lutter pour améliorer leur compétitivité en faisant pression sur les salaires et les dépenses sociales. Cette stratégie accepte et encourage la croissance des inégalités sociales, les plus riches bénéficient de la mondialisation, les plus pauvres en souffrent ; d’autre part, elle induit un déficit permanent de demande qu’il faut compenser par des taux d’intérêt nuls, la hausse de l’endettement et les bulles financières, ce qui crée un risque permanent d’instabilité ; enfin, elle néglige la contrainte écologique.
La seconde consisterait en une rupture franche vers une autre politique tournée vers le plein emploi et la réduction concertée des déséquilibres entre pays. La BCE doit garantir les dettes publiques de tous les pays membres et maintenir durablement les taux d’intérêt en dessous du taux de croissance pour réduire le poids de l’endettement public. Elle doit s’inscrire dans une politique visant à obliger les banques à se détourner des activités spéculatives (en particulier par la taxation des transactions financières) pour financer les activités productives (en particulier la ré-industrialisation et la transition écologique). _______Une nouvelle stratégie de croissance doit s’appuyer sur la distribution de salaires et de revenus sociaux, sur  l’harmonisation vers le haut des systèmes sociaux nationaux, sur la relance des investissements publics, comme sur une  politique industrielle active, organisant et finançant le tournant vers une économie durable. La lutte contre les inégalités de revenus et de statuts, le tournant écologique, obligent à une remise en cause des pouvoirs au sein des entreprises qui ne doivent plus être gérées dans l’intérêt des actionnaires, mais dans l’intérêt collectif. La restauration des finances publiques passe aussi par la fin de la concurrence fiscale, par la lutte contre les paradis fiscaux et contre l’évasion et l’optimisation fiscales. La démocratisation des institutions nationales et européennes doit redonner des pouvoirs aux peuples au détriment des technocraties  nationales  et européennes.
           La question est donc politique. Comment créer les rapports de force en Europe et dans chaque pays pour engager la rupture nécessaire ? Début 2016, le Royaume-Uni a mis en question les politiques européennes sur des points qu’il jugeait cruciaux pour lui et avait obtenu, en grande partie, gain de cause. Sa fermeté avait payé. Pourquoi la France (et l’Italie) n’ont-elles pas eu une attitude similaire en 2012, par exemple, quand l’Union européenne imposait la signature du Traité budgétaire et la poursuite de la politique d’austérité ?  Certes, on peut accuser une telle attitude de fragiliser l’Europe, mais l‘Europe serait encore plus fragilisée par la poursuite des politiques actuelles. Aussi, la France, l’Italie, l’Espagne, le Portugal, la Grèce, les forces syndicales doivent refuser clairement la stratégie « austérité budgétaire/réformes structurelles » et doivent paralyser l’Europe tant que la rupture nécessaire n’aura pas été accomplie. Il faut ouvrir une nouvelle crise en Europe.
         Le départ du Royaume-Uni, l’éloignement de fait de certains pays d’Europe centrale  (Pologne, Hongrie), les réticences du Danemark et de la Suède pourraient pousser à passer explicitement à une Union à deux vitesses. Beaucoup d’intellectuels et de personnalités politiques, nationaux ou européens, pensent que la présente crise pourrait en être l’occasion. L’Europe serait explicitement partagée en trois cercles. Le premier regrouperait les pays de la zone euro qui, tous, accepteraient de nouveaux transferts de souveraineté et bâtiraient une union budgétaire, fiscale, sociale et politique poussée. Un deuxième regrouperait les pays européens qui ne souhaiteraient pas participer à cette union. Enfin, le dernier cercle regrouperait les pays liés à l’Europe par un accord de libre-échange (Norvège, Islande, Liechtenstein, Suisse aujourd’hui, d’autres pays et le Royaume-Uni demain).
      Ce projet pose cependant de nombreux problèmes. Les institutions européennes devraient être dédoublées entre des institutions zone euro fonctionnant sur le mode fédéral et des institutions de l’UE continuant à fonctionner sur le mode Union des États membres. Beaucoup de pays actuellement en dehors de la zone euro sont hostiles à cette évolution qui, selon eux, les marginaliserait en membres de seconde zone. Elle compliquerait encore le fonctionnement de l’Europe s’il y a un Parlement européen et un Parlement de la zone euro, des commissaires zone euro, des transferts financiers zone euro et des transferts UE, etc. De nombreuses questions devraient être tranchées deux ou trois fois (une fois au niveau de la zone euro, une fois au niveau de l’UE, une fois au niveau de la zone de libre-échange).
Selon la question, le pays membre pourrait choisir son cercle, on irait vite vers une union à la carte. Cela est difficilement compatible avec une démocratisation de l’Europe puisqu’il faudrait vite un Parlement par question.
       Les membres du troisième cercle seraient eux dans une situation encore plus difficile, obligés de se plier à des réglementations sur lesquelles ils n’auraient aucun pouvoir.
Surtout, il n’y a pas d’accord des peuples européens, même au sein de la zone euro, pour aller vers une Europe fédérale, avec toutes les convergences que cela supposerait. Dans la période récente, les cinq présidents et la Commission ont proposé de nouveaux pas vers le fédéralisme européen : création d’un Comité budgétaire européen, création de Conseils indépendants de compétitivité, conditionnement de l’octroi des fonds structurels au respect de la discipline budgétaire et à la réalisation des réformes structurelles, création d’un Trésor européen et d’un ministre des finances de la zone euro, évolution vers une Union financière, unification partielle des systèmes d’assurance chômage. Cette évolution renforcerait le pouvoir d’organismes technocratiques au détriment des gouvernements démocratiquement élus. Il serait inacceptable qu’elle soit mise en œuvre, comme c’est déjà le cas en partie, sans que les peuples soient consultés.
       Certains proposent une union politique où les décisions seraient prises démocratiquement par un gouvernement et un parlement de la zone euro. Mais peut-on imaginer un pouvoir fédéral, même démocratique, capable de prendre en compte les spécificités nationales dans une Europe composée de pays hétérogènes ? Peut-on imaginer les décisions concernant le système de retraite français prises par un Parlement européen ? Ou un ministre des finances de la zone imposant des baisses de dépenses sociales aux pays membres (comme la Troïka le fait pour la Grèce) ? Ou des normes automatiques de déficit public ? Selon nous, compte tenu des disparités actuelles en Europe, les politiques économiques doivent être coordonnées entre pays et non décidées par une autorité centrale.
       Dans les pays les plus avancés, la France en particulier, l’objectif des classes dirigeantes est clair : utiliser l’argument de la convergence pour affaiblir le rôle redistributif de la fiscalité (supprimer l’ISF, diminuer la taxation des revenus du capital), pour réduire les dépenses publiques et sociales, pour affaiblir de droit du travail.
        Il faut combattre la stratégie actuelle de la technocratie européenne et des forces libérales : utiliser la crise actuelle pour progresser sans rupture franche vers « une union toujours plus étroite ». L’UE doit vivre avec une contradiction : les souverainetés nationales auxquelles les peuples sont attachés doivent être respectées tant que faire se peut ; l’UE doit mettre en œuvre une stratégie macroéconomique et sociale, forte et cohérente. L’UE n’a pas de sens en elle-même, elle n’en a que si elle met en œuvre un projet, afin de défendre un modèle spécifique de société, le modèle social européen, le faire évoluer pour intégrer la transition écologique mais aussi pour donner plus de pouvoir aux salariés, éradiquer le chômage de masse, résoudre les déséquilibres européens de façon concertée et solidaire. Mais il n’y a pas d’accord en Europe sur la stratégie à mener pour atteindre ces objectifs. L’UE, incapable de sortir globalement les pays membres de la récession, de mettre en œuvre une stratégie cohérente face à la mondialisation, est devenue impopulaire. Ce n’est qu’après un changement réussi de politiques, qu’elle pourra retrouver l’appui des peuples et que des progrès institutionnels pourront être mis en œuvre.
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