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lundi 11 juillet 2016

Demain, une autre Amérique?

Mutation en cours
                          Les changements démographiques en cours aux USA ne seront pas sans conséquences sur le destin de ce pays, sur la vie culturelle, sur la conduite des affaires politiques, sur l'histoire future de cette nation d'immigration.
    ...Depuis l'arrivée des premiers Anglais vers 1660, dans un pays qui ne comptaient que des peuples  Indiens si divers.
  Difficile à anticiper et à apprécier la profondeur des changements qui auront lieu quand l'Amérique sera latine...
    En 2030 ils dépasseront les 100 millions et ils pèsent déjà de tout leur poids sur l'élection présidentielle. Malgré des retours récents, la natalité joue mécaniquement en faveur des latinos.
   C'est dire l'ampleur de ce mouvement latino-américain, qui se poursuit à bas bruit, dans la contradiction, parfois la crainte, l'exploitation politique et aussi l'intérêt de certains certains secteurs économiques.
      Des emplois qui profitent à certains secteurs, et pas seulement à l'agriculture californienne
 Malgré les clôtures et les gardes, l'immigration clandestine, surtout mexicaine, se poursuit, non sans drame. Des passages le plus souvent à hauts risques.
    Petit à petit, les Latinos transforment les États-Unis, de manière encore peu perceptible, au moins dans certains Etats. Ils ont pris une grande place au coeur des primaires.
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           (*) Point de vue:    ...Les états où la population hispanique est la plus implantée, sont aussi les plus peuplés et les plus importants  électoralement...
    Proportionnellement, les municipalités comptant une population hispanique majoritaire sont localisées dans ces mêmes états : East Los Angeles (Californie) 97.1%, Laredo (Texas)  95.6%, Hialeah (Floride) 94.7%, Brownsville (Texas) 93.2%, McAllen (Texas) 84.6%.
  De même, les villes où la population hispanique est présente en plus grand nombre sont les capitales économiques de ces états : New York, Los Angeles, Houston, San Antonio, Chicago, Phoenix.
   En considérant qu’elle représentera 30% de la population totale des Etats-Unis en 2050, la communauté hispanique ne sera bientôt plus une minorité.
   Le vote hispanique est plus particulièrement convoité dans un état comme la Floride, swing state dont les résultats furent décisifs lors de l’élection de George W. Bush. Mais désormais, on le comprend à la lecture du Census 2010, l’ensemble des Etats-Unis sont concernés."
    La communauté hispanique est la minorité dont l’accroissement naturel est le plus important et par conséquent détient la croissance la plus rapide.
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                 ... La croissance de la communauté hispanique oblige les Etats-Unis à redéfinir son identité.
   Progressivement, la culture et les leaders économiques et politiques hispaniques deviennent partie intégrante, voire s’emparent du mainstream, deviennent l’élite dans certains états.
Fait significatif, la langue espagnole est officiellement la deuxième langue de la Floride, l’état de New York, ou de la Californie.
   Dans la plupart des administrations et services publics, opérateurs téléphoniques, banques, ainsi qu’au sein de nombreuses entreprises, les clients ont la possibilité de parler à un conseiller en espagnol.
   Les médias en langue espagnol ne sont pas non plus en reste : Telemundo, CNN español et Univision ont leur siège à Miami ou à Los Angeles et possèdent des antennes locales dans presque tous les états. Certains de ces médias sont particulièrement influents : en incluant les chaînes en langue anglaise, Univision est considérée comme la 5ème chaîne américaine la plus regardée des Etats-Unis.
    En dehors de la langue, les différentes communautés sont souvent regroupées dans des quartiers, municipalités, voir comtés. Elles s’y organisent, s’entraident professionnellement officiellement, par le biais de nombreuses associations de tous types (politiques, sociales, artistiques, professionnelles…) et par les réseaux informels.
    Ici, le communautarisme, concept « politiquement incorrect » selon le modèle français, est explicitement le moyen choisi pour accomplir son American Dream.
    En France, la question des statistiques ethniques et des quotas, actuellement inexistantes, fait polémique. Un dernier rapport sur ses questions a été remis en février 2010 par le comité pour la mesure de la diversité et des discriminations (Comedd), présidé par le démographe François Héran,  à Yazid Sabeg, commissaire à la diversité et à l’égalité des chances. Le rapport écarte l’idée d’une nouvelle loi, préconise l’utilisation de statistiques publiques courantes. Le recours à « des indicateurs ethno-raciaux » y est timidement évoqué, sans pour autant prononcer le terme « statistiques ethniques », qui suscite trop d’hostilités...
 
 © Martha Peciña 
   La success story des immigrés de Miami. De toute évidence, Miami est la parfaite illustration de la success story à l’américaine pour les immigrés latino-américains.Le comté de Miami Dade est composé à majorité par des latino-américains et plus particulièrement des Cubains, mais à la différence de la plupart des autres villes et contés, il est aussi dominé par eux.
   Arrivée par plusieurs grandes « vagues migratoires » successives à partir des années 60[17], la communauté cubaine a littéralement« fait » la ville de Miami.
La communauté cubaine a progressivement pénétré et domine aujourd’hui les hautes sphères de Miami et de la Floride du Sud. Le pouvoir économique, politique et médiatique leur appartient. Au niveau fédéral, un sénateur (Marco Rubio) et trois membres de la Chambre des Représentants (Mario Diaz-Balart, David Rivera et Ileana Ros-Lehtinen) de Floride sont Cubains-américains. Parmi eux, Ileana Ros-Lehtinen est également la présidente du Comité des Affaires Etrangères de la Chambre des Représentants.
A Cuba comme à Miami, les Cubains se plaisent à surnommer Miami « la septième province de Cuba », ou encore « la capitale économique de l’île »  Rappelons que les Cubains bénéficient d’un statut migratoire exceptionnel auprès des autorités américaines, the Cuban Adjustment Act, qui leur permet de bénéficier du statut de réfugié politique dès lors qu’ils foulent le pied du territoire américain (à quelques exceptions près, comme le passé criminel). De même, la première vague d’immigration cubaine est essentiellement constituée d’immigrés issus de la classe moyenne, ou très fortunés, disposant ainsi de ressources économiques dès leur arrivée.
 Cependant, les Cubains sont encore en 1960 les nouveaux arrivants de Floride du Sud. Lorsque l’on observe le pouvoir régnant des Cubains à Miami, on peine à imaginer qu’ils furent, eux-aussi, contraints de surmonter l’exclusion et les discriminations dans les premières années qui suivirent leur installation. De nombreuses figures de l’exil se plaisent à remémorer, en contraste avec leur réussite économique et sociale actuelle, l’époque où l’on pouvait lire sur les pancartes de maisons en location « No dogs, No Cubans ».
La communauté Cubaine est parvenue à s’imposer grâce à la stratégie communautariste, par le biais d’associations officielles ou plus généralement par des réseaux communautaires informels. Ceci au détriment des autres communautés, comme la communauté juive, qui, historiquement implantée à Miami, s’est progressivement déplacée vers d’autres municipalités plus au nord. La communauté cubaine n’est pas non plus nécessairement solidaire des autres communautés hispaniques, comme le confirme Luis, journaliste politique : « Dans le milieu politique et au sein des institutions publiques, la priorité à l’embauche est implicitement donnée aux Cubains, les autres latino-américains sont parfois vus avec méfiance ou même mépris, on leur fait comprendre qu’ils sont EUX, des immigrés ».
   Le mécanisme d’exclusion et de stigmatisation des nouveaux arrivants s’opère donc aussi à Miami. L’ouvrage «Logiques de l’exclusion» du sociologue Norbert Elias, analyse précisément les mécanismes d’exclusion que les anciens habitants d’une communauté (en Angleterre) utilisent contre des nouveaux venus suite à la construction d’un lotissement. Dans son étude de cas, les nouveaux venus ne sont ni étrangers, ni socialement différents des autres habitants du quartier. Ils sont en fait très semblables aux « anciens ».
   Le contexte est différent mais le mécanisme reste le même : les Cubains, devenus « anciens », reproduisent les mêmes logiques d’exclusion à l’égard des nouveaux arrivants latino-américains.
   Pays d’immigration, les Etats-Unis ont redéfinis leur identité au fil de l’histoire.
Jim Cohen et Philip S. Golub démontrent dans leur article «Etats-Unis, vers une société post-européenne » comment la croissance des minorités actuelles des Etats-Unis (hispanique, afro-américaine et asiatique) transforme progressivement la culture américaine .
Lorsque l’on observe les problématiques d’immigration d’un côté et de l’autre de l’Atlantique, on constate que le modèle du Vieux-Continent est d’avantage porté sur les piliers fondateurs de son passé.
    Malgré la montée, depuis l’élection de Barack Obama, du Tea Party, mouvement ultra-conservateur nationaliste opposé à l’immigration, la définition d’intégration, ou d’identité nationale reste globalement moins figée aux Etats-Unis, de part la réalité qui a forgé son histoire. La participation à l’effort économique et le pouvoir matériel restent les valeurs fondatrices.
   S’enrichir et enrichir son pays constitueraient-ils un critère suffisant pour s’intégrer au sein de la société américaine ?
   Le fait d’avoir la possibilité de communiquer en espagnol auprès des administrations n’est pas considéré comme un obstacle au bon apprentissage de la langue anglaise, et le fait de revendiquer son identité colombienne, mexicaine ou cubaine, ne remet pas en cause son autre identité américaine.
  Lors d’un séjour d’étude en France, Yanelis, Cubaine métisse immigrée aux Etats-Unis à l’âge de 7 ans, raconte la surprise des gens lorsqu’elle se présentait comme une américaine. Pour elle, la bi-nationalité n’est pas un problème aux Etats-Unis, c’est l’identité même de ce pays construit par « des gens qui viennent d’ailleurs ».
   Cette sacro sainte liberté d’us et coutumes, cette possibilité de revendiquer dans les sphères publiques comme privées sa religion, sa culture ou sa langue, fait évoluer et flexibilise constamment la définition de l’identité américaine.
   Les limites de ce rêve américain
           Ce système communautariste offre incontestablement une liberté de pratique et de revendication identitaire aux différentes communautés, mais favorise-t-il réellement leur intégration ?
Si l’on envisage l’intégration dans son aspect culturel, les Etats-Unis sont indéniablement une fabrique d’assimilation d’immigrés. Bien que les réfractaires à ce phénomène soient présent et cherchent à gagner du terrain, les Etats-Unis se dirigent inévitablement vers une nouvelle composition « ethnique et culturelle » et l’acceptent progressivement.
Le mythe du rêve américain se complaît et se conforte dans cet idéal de société de liberté individuelle absolue, où la progression est à la portée de tous.
                  Jeter un œil sur le classement des 100 latinos les plus influents (dans des domaines aussi variés que l’art, le business, la culture, l’éducation, la politique), publié en 2010 par le Hispanic Business Magazine et People Magazine fait inévitablement rêver : du gouverneur de Californie Abel Maldonado au joueur de base-ball Alex Rodriguez, à la chanteuse et actrice Jennifer Lopez…Mais lorsque l’on se penche sur l’intégration économique de la majorité, l’American Dream n’est plus qu’une illusion pour les immigrés.
    Le recensement de 2010 indique que la population hispanique constitue une des minorités la plus touchée par la récession économique actuelle. En 2010 : 39,1% des enfants Noirs et 35% d’enfants hispaniques vivent sous le seuil de pauvreté, contre 12.4% d’enfants Blancs[21].
La communauté hispanique détient également les pires indicateurs en matière d’éducation. D’après une récente étude du College Board Advocacy & Policy Center, 41% des latino-américains de plus de 20 ans résidant aux Etats-Unis ne possèdent pas de diplôme d’éducation secondaire, contre 23% parmi la communauté afro-américaine et 14% au sein de la communauté Blanche. En outre, seul 19% de la population hispanique possède un diplôme de College, contre une moyenne nationale de 41%..
    Les répercussions transparaissent inévitablement en termes d’emploi, au niveau matériel et socio-culturel. D’après le bureau fédéral de statistiques de l’emploi, l’indice de chômage de la communauté hispanique s’élevant à 11.1%, se situe ainsi au dessus de l’indice national, de 9.1%..
       Finalement, on comprend que la grande majorité de la communauté hispanique compose les classes populaires, qu’une infime minorité parvient à se hisser au sommet.
Le rêve américain auquel aspirent les immigrés des Etats-Unis ne serait donc finalement réservé qu’à une poignée d’individus appartenant à l’élite dans leur pays d’origine ou ayant connu une trajectoire exceptionnelle. Parmi les élus de Floride, les frères Diaz-Balart et Ileana Ros-Lehtinen viennent des familles les plus fortunés de Cuba.
       Le modèle américain d’ascension sociale ne fonctionne pas plus pour les immigrés que pour les Afro-américains et plus généralement les classes populaires, comme le démontrent les indicateurs de pauvreté, d’éducation et de chômage précédemment évoqués.
      Nonobstant, dans un pays où l’Etat n’offre aucune garantie de sécurité sociale, d’éducation, de logement ou de pension alimentaire aux plus faibles, le communautarisme, permettant de fédérer les individus autour d’une identité commune, reste le seul rempart contre l’exclusion.
 (Merci à Martha Pecina et à Mediapart)
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