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lundi 13 juin 2016

Une richesse cachée

Justice et souveraineté en question
                                                      On a beau avoir déjà beaucoup lu sur la question, on reste toujours songeur et presque dubitatif quand on se plonge dans une nouvelle étude sur les mal nommés paradis fiscaux.
   Rares sont les livres d'une aussi grande densité et qualité sur ce problème, qui en donne avec le plus de précision, dans les limites des connaissances actuelles, l'ampleur et en analyse les conséquences souvent mal perçues sans analyse macroéconomique.
    Malgré ses limites et ses choix, c'est une étude stimulante que celle que vient de faire paraître Gabriel Zucman, qui condense en peu de pages ce que tout citoyen devrait savoir et surtout tout homme politique responsable, prenant un peu de recul par rapport aux murmures médiatiques.
      Nous sommes riches et nous ne le savons pas.
   Enfin, nous pourrions l'être tous, la dette serait de bien moindre ampleur s'il n'y avait pas autant de finances échappant au fisc, donc à la redistribution nationale, dans le silence des Etats sur les questions qui touche directement la gestion de la véritable fortune publique. 
    Il n'est pas seulement question de blanchiment d'argent sale des activités mafieuses et parallèles, mais de ce qu'on a tu pendant trop longtemps, depuis le début du XX° siècle, et plus encore depuis une quarantaine d'années, qui s'est accéléré avec la crise de 2008.
      L'auteur s'explique sur les contextes, les ententes et les complicités qui ont engendré de telles richesses dissimulées, alimentant la finance internationale, au bon vouloir des grandes banques et de la spéculation financière, qui n'est pas sans conséquences sur le niveau de l'activité économique, les taux d'intérêt, etc...
      Depuis l'affaire de Panama, la dernière en date médiatiquement, nous touchons du doigt l'ampleur de ce que l'affaire Cahuzac, entre autres, avait déjà fait apparaître.
                Le livre de l'auteur dépasse ces quelques aspects immergés d'un iceberg de taille:
      Gabriel Zucman estime ainsi à 8% la part du patrimoine mondial des ménages caché dans les paradis fiscaux (12% pour l’UE). L’Europe est la plus touchée par l’évasion fiscale.
Le coût de la fraude permise par le secret bancaire s’élève par an à 50 milliards d’euros pour 2013 en Europe, dont 17 rien que pour la France (9 Mds pour l’impôt sur les revenus du capital, 4 Mds pour l’impôt sur les successions et 4 Mds pour l’Impôt de Solidarité sur la Fortune-ISF). Cela représente un montant de 360 Mds d’€ détenus offshore pour la France (dont la moitié en Suisse). Si ces montants fraudés avaient été imposés en France depuis le début des années 1980, les déficits primaires auraient été moindres et le stock de la dette publique ne serait que de l’ordre de 70% du PIB, soit le niveau d’avant la crise de 2008, au lieu de 94% du PIB fin 2013 (surcoût total causé par l’évasion fiscale= environ 480 Mds d’€de stock de la dette) (graphique 2 du fichier joint)

.      Les paradis ont toujours la cote et les ruses pour échapper au fisc notamment se multiplient face aux moyens dérisoires que les nations déploient (plus ou moins) pour faire appliquer une justice fiscale minimale.
     Il y a bien des niches pour les nantis malins, bien conseillés par les banques et leur service juridiques. Des paradis pas tapageurs, dont on aime la discrétion... et qui ne sont pas de simples coffres offerts:
                       Les paradis fiscaux ne sont pas une excentricité exotique mais bien un instrument structurel de l’économie mondialisée. Ils nous confrontent aux problèmes moraux les plus fondamentaux et interrogent les relations qu’entretiennent public et privé, entreprises et États, riches et pauvres.
      Il n'y a pas que les îles Caraïbres (Les British virgin islands) dites « BVI », qui sont un des "paradis" incontournables des montages fiscaux des entreprises, par le secret et le taux d'imposition quasi nul qu'elles offrent) , Jersey, Hong-Kong il y a aussi le calme Luxembourg, etc..La liste est longue.
      Ce petit pays au cœur de l'Europe et de l'Union européenne a abandonné le secret bancaire, mais déploie mille ruses pour attirer les multinationales, en leur garantissant de payer un impôt très faible. Selon l'économiste Gabriel Zucman, aucun pays n'est allé aussi loin dans « la commercialisation de sa souveraineté », en laissant les entreprises négocier les taxes et les règles auxquelles elles sont soumises.
           8% de la richesse mondiale est détenue dans des paradis fiscaux et 10% du patrimoine européen des ménages placé dans des paradis fiscaux: ce n'est pas rien. On le sait à Bercy, qui sait utiliser les verrous, mais comme le rappelait récemment Eva Joly, on ne se donne pas les moyens pour en finir avec l'impunité fiscale.
    Donc, en analysant des données officielles inexploitées, l’économiste Gabriel Zucman évalue, dans La richesse cachée des nations, la part des avoirs mondiaux échappant au fisc. (Les champions de l’évasion sont les Russes avec 52 % des capitaux concernés, devant les pays d’Afrique ou d’Amérique latine, qui voient entre 20 et 30 % de la richesse leur échapper.  Un désastre pour l'Afrique surtout.)
   Et  l’argent des banques centrales finit dans les paradis fiscaux
       Tout reste à faire.   ...C'est surtout la lutte des citoyens contre la fausse fatalité de l’évasion et de l’impuissance des nations (qui compte). Mais cela ne suffira pas.
  Une question de justice et de souveraineté
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