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dimanche 20 mars 2016

Happy Birthday!

On n'y échappe pas.
                                  C'est même devenu un événement central dans la vie d'un enfant.
              Les cadeaux, les copains la fête. Du moins dans nos sociétés d'abondance.
     Rien de tel encore il y a une soixantaine d'années, dans nos campagnes traditionnelles.
    On le fêtait moins dans la vie rurale d'autrefois:  juste un petit mot gentil, le plus souvent maternel, quand on y pensait...
    Le cérémonial d'aujourd'hui est en fait une invention  toute récente.Comme le remarquait déjà le sociologue  Durkheim
  De nos jours il est devenu incontournable. Il s'est banalisé à force d'être entré dans la sphère commerciale.
          D'abord l'enfance n'avait pas l'importance qu'elle a maintenant, jusqu'au 18° siècle. En gros, la période de Rousseau.
  On n'oubliera pas que la catégorie d'enfant, au sens sociologique, n'existait pas, jusqu'à cette époque.
          Les repères chronologiques furent longtemps plus que flous, l'état civil est assez récent et surtout c'était la mort qui constituait la vraie naissance, dans la communauté des croyants.
   Pendant de nombreux siècles, l'Occident a occulté cette fête rappelle le médiéviste JC Schmitt
    Au XVI° siècle, un petite changement se produit, mais assez exceptionnel et socialement marginal...
             "En France, la fête est épisodiquement attestée au XVIIe siècle dans l’aristocratie. Dans une lettre à sa fille, en 1680, Madame de Sévigné fait mention de bouquets de fleurs et de vers offerts à un vieil abbé le jour de ses 74 ans. Le jeune Louis XIII n’a même pas cette chance. Il ne semble pouvoir obtenir en ce jour particulier qu’un Te Deum et la possibilité de ne pas faire ses exercices scolaires. Et encore, seulement jusqu’à ses 12 ans.
... La manière quasi spontanée dont nous pensons à célébrer notre anniversaire et celui de nos proches nous fait oublier la complexité des conditions intellectuelles requises par une telle opération. Il faut, pour commencer, avoir les moyens de connaître le jour exact de sa naissance, avoir la possibilité de l’enregistrer d’une manière ou d’une autre, si possible par un acte écrit et mieux encore officiel, comme c’est le cas aujourd’hui en France, depuis la Révolution, grâce à l’état civil. Cependant, nous savons d’expérience qu’une mémoire familiale façonnée suivant un rythme annuel peut suffire à rappeler en temps voulu l’anniversaire des enfants, des parents, des amis les plus proches, sans avoir à se référer à chaque fois à un acte officiel ni même à un agenda personnel.
                            Il faut ensuite se préoccuper de la succession des années et de la place parmi elles de l’année de sa naissance, ce qui suppose non seulement l’existence d’un calendrier, qui fixe la durée et les parties (mois, jours) de l’année, mais la connaissance du millésime et un consensus quant au moment où l’année change. On sait à cet égard combien les pratiques médiévales ont été diverses et fluctuantes. Longtemps, les individus, y compris dans les plus hautes sphères de la société, n’ont connu qu’approximativement l’année de leur naissance. Jacques Le Goff le note à propos de Saint Louis,, dont on suppute l’année de la naissance à partir des sources relatives à sa mort, en 1270, « dans sa 56e année » ou « à cinquante-six ans » : 1214 ou 1215 ? En revanche, on sait précisément par Joinville qu’il naquit « le jour de la Saint-Marc », donc un 25 mars, cette fête étant célébrée par la procession de croix-noires; ce détail rituel apparut a posteriori au chroniqueur comme le présage d’une vie placée sous le signe de souffrances (les épreuves de la croisade et de la captivité) et d’une mort (le quasi-martyre de Tunis) qui assimilaient le saint roi au Christ. Il fallait une raison forte pour que l’on se préoccupât non seulement du jour de la naissance (identifié à la fête du saint du jour ou à une fête religieuse, et non au nombre ordinal du jour dans le mois), mais de l’année : ce fut le cas pour le grand-père de Saint Louis, Philippe-Auguste, qui naquit dans la nuit du 21 au 22 août 1165, une précision exceptionnelle due au fait que ses parents, le roi Louis VII et son épouse Adèle de Champagne, désespéraient d’avoir un héritier vingt et un ans après leur mariage : ce fut « l’enfant du miracle » 
       Pour se préoccuper de l’anniversaire, il faut aussi avoir les capacités intellectuelles et matérielles de compter les années écoulées et de les additionner. Au Moyen Âge, la connaissance approximative de son âge est de règle dans toutes les couches de la société, d’où la formule consacrée, bien connue des médiévistes : tel âge « ou environ ». Elle est la règle notamment dans les interrogatoires de justice. Mais, comme le remarque Claude Gauvard, cette formule peut relever du principe de précaution au moins autant que d’une méconnaissance complète de son âge : plutôt que de risquer d’être accusé d’avoir déclaré un âge faux (dans l’espoir de bénéficier d’une grâce), mieux valait s’en tenir à une prudente approximation 
    Outre l’énoncé des conditions nécessaires pour que l’anniversaire de la naissance des individus soit connu ou même célébré, il convient aussi de s’interroger sur les facteurs qui ont pu faire obstacle à de telles préoccupations à l’époque médiévale. Le premier obstacle, le plus important sans doute, est illustré par le fait que, pendant tout le « long Moyen Âge » (et jusqu’à aujourd’hui dans la langue liturgique), anniversarium et souvent même dies natalis ne désignent pas l’anniversaire de la naissance, mais celui du jour de la mort  C’est ce jour qui seul importait en vérité, celui de la « vraie naissance », de l’entrée par la mort dans la « vraie vie » de l’au-delà et du salut tant espéré. D’où les pratiques de commémoration des défunts (memoria), consistant en premier lieu à inscrire le nom du mort au jour de son trépas (obit) dans un nécrologe ou un obituaire, afin que les moines et les clercs affectés à ce service puissent toutes les années futures, moyennant rétribution, prier ce même jour pour le défunt et dire des messes prescrites par son testament ou par la volonté de ses héritiers. C’est la pensée de la mort et des morts, non celle de la naissance, qui a inspiré aux hommes du Moyen Âge l’attention au cycle récurrent des années. Notons ici une profonde différence entre l’arithmétique nécrologique (la « comptabilitéde l’au-delà » dont a parlé Jacques Chiffoleau et celle de l’anniversaire au sens moderne du terme : la première consiste à épuiser progressivement un capital spirituel (et matériel) au fur et à mesure que les années passent et que le souvenir du défunt, peu à peu, s’estompe : telle est la forme institutionnelle du long « travail du deuil »  La seconde, la logique de l’anniversaire de la naissance, consiste au contraire à accumuler les années, à augmenter tous les ans l’âge d’une unité supplémentaire (toute soustraction étant impossible puisqu’on ignore par définition le moment à venir de sa mort)...
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