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vendredi 8 mai 2015

Point d'histoire

8 Mai 1945: SETIF     (Elements pour une analyse)
                               Un autre 8 Mai. Un événement occulté.
   Silence et manipulations de l'information.
-17000 morts algériens selon les sources américaines
        Un événement encore à décrypter.
La commission d'enquête fut annulée.
       Une Algérie sans "ciment réel", sur fond d'antagonismes anciens issus du fait colonial, Ce fut le vrai début de la guerre d'Algérie.
                Le 19 avril 2015, le secrétaire d’État Jean-Marc Todeschini s'est rendu à Sétif, à 300 km à l’est d’Alger, pour rendre hommage aux victimes des massacres du 8 mai 1945 en Algérie. C'était la première fois qu'un représentant du gouvernement français venait commémorer ces tueries considérées comme le véritable premier acte de la guerre d’Algérie
Le documentaire de Mehdi Lallaoui et Bernard Langlois (55 minutes fortes d'images d'archives et de témoins retrouvés) raconte ces jours où, alors que l'Europe se libère de l'horreur, en Afrique du Nord les peuples colonisés, acteurs de la Libération espérant leur émancipation, vont connaître les massacres et la torture. Ce 8 mai 1945, à Sétif, un policier tire sur Bouzid Saâl, jeune scout musulman tenant un drapeau de l'Algérie et le tue, ce qui déclenche une émeute meurtrière des manifestants, avant que l'armée n'intervienne, suivie par les milices des colons.
Moins connus, les massacres de Guelma se déroulent dans les jours suivant la révolte de Sétif. Exécutions sommaires, massacres de civils, maisons incendiées, hameaux bombardés : dans ce documentaire de 15 minutes, les témoins se souviennent.
         Les massacres de Sétif, qui se déroulèrent entre le 8 mai et la fin juin 1945, est un terme générique qui couvre en réalité des tueries sommaires qui eurent lieu dans une grande partie du Constantinois. L’interruption brutale des cortèges populaires (à Sétif et Guelma, la police tira sur la foule), initiés par les nationalistes algériens voulant fêter la victoire sur l’Allemagne nazie et rappeler les promesses d’émancipation, fut le déclencheur des émeutes. Elles firent 103 morts chez les Européens. La répression aveugle contre la population algérienne fut terrible. Il y a 20 ans, je réalisais pour la chaîne Arte et avec la complicité de mon ami Bernard Langlois Les Massacres de Sétif, un certain 8 mai 1945. Parallèlement, « Au Nom de la Mémoire » publiait un livre de référence sur ces événements : Chronique d’un massacre. 8 mai 1945, Sétif, Guelma, Kherrata de Boucif Mekhaled...
               Les massacres de Sétif, Guelma, Kherrata commencèrent à être évoqués publiquement par les représentants de l’État français il y a une dizaine d’années seulement. En effet, il a fallu attendre soixante ans pour que l’ambassadeur de France à Alger, Hubert Colin de Verdière, parle à propos des massacres perpétrés par la France en mai juin 1945 de « tragédie inexcusable ». Quant à Michel Barnier, ministre des affaires étrangères, il déclarait trois mois plus tard: « Il est essentiel pour construire un avenir commun que nous arrivions à examiner ensemble le passé afin d’en surmonter les pages les plus douloureuses pour nos deux peuples. Cela suppose d’encourager la recherche des historiens, de part et d’autre, qui doivent travailler ensemble, sereinement, sur ce passé mutuel. »
    Le président de la République François Hollande alla beaucoup plus loin. Devant les deux chambres du Parlement algérien, il déclara en 2012, lors de son premier déplacement en Algérie : « Pendant 132 ans, l'Algérie a été soumise à un système profondément injuste et brutal (…) et je reconnais ici les souffrances que la colonisation a infligées au peuple algérien. Parmi ces souffrances, il y a eu les massacres de Sétif, de Guelma, de Kherrata, qui, je sais, demeurent ancrés dans la mémoire et dans la conscience des Algériens, mais aussi des Français. Parce qu’à Sétif, le 8 mai 1945, le jour même où le monde triomphait de la barbarie, la France manquait à ses valeurs universelles. »...
   Le déplacement à Sétif et l’hommage aux victimes du secrétaire d’État Jean-Marc Todeschini le 19 avril sont certes à saluer, mais n’apporteront rien de nouveau. Nommer le crime sans le caractériser, sans l’identifier comme crime contre l’humanité, c’est ne faire que la moitié du chemin.
Car au-delà des phrases et des tournures « les pages douloureuses », « les drames inexcusables », « le système injuste et brutal », de quoi parle-t-on ? Nous évoquons des massacres de populations civiles par les autorités militaires et les milices coloniales dont les estimations vont de 9 000 à 35 000 morts. Nous évoquons l’utilisation de l’avion et de la marine de guerre pour réduire à néant des dizaines de villages soi-disant insurgés. Nous évoquons les jugements sommaires et les exécutions du même ordre de centaines de civils désarmés. Nous évoquons des tortures, des disparitions forcées de personnes, et des emprisonnements dont certains prendront fin au jour de l’indépendance, en juillet 1962.
    Sétif 1945 est indéniablement un crime contre l’humanité selon les définitions de la Cour pénale internationale : « Les crimes contre l’humanité incluent des actes commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile et en connaissance de cette attaque. La liste de ces actes recouvre, entre autres, les pratiques suivantes : meurtre, extermination, réduction en esclavage, déportation ou transfert forcés de population, emprisonnement, torture (…). Persécution d’un groupe identifiable pour des motifs d’ordre politique, racial, national, ethnique, culturel, religieux ou sexiste (…). »
     Depuis des années, les demandes de reconnaissance solennelle et officielle en France des crimes de 1945 sont restées vaines, malgré le rappel chaque année par les associations de cette exigence de justice. Cette exigence morale qui impose de mettre des mots sur les exactions commises au nom de la République en Algérie, il y a 70 ans. Ces reconnaissances qui permettent l’apaisement, la justice et la transmission de notre histoire commune ont été possibles par la voix du président Jacques Chirac7 pour ce qui concerne la responsabilité de la France dans la rafle du « Vél' d’hiv' » de juillet 1942. Elles ont été possibles par la voix de l’actuel président de la République dans la reconnaissance des crimes du 17 octobre 1961...
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