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vendredi 6 juin 2014

To sleep or nor to sleep.

 Du temps perdu?
                            Dormir: une activité fondamentale dans une vie, qui prend un temps considérable, que l'on aurait parfois tendance à considérer comme du temps perdu, alors que le sommeil est une dimension vitale, dont les troubles ou les manques peuvent aller jusqu'à compromettre la santé, voire la vie.
     De la quantité de sommeil et de sa qualité dépend la qualité de la vie.
    Temps perdu par rapport à quoi?
Le consumérisme ambiant, les sollicitations permanentes qu'il suscite, nous poussent à considérer l'investissement de soi dans le travail et le loisir comme les axes principaux, presque exclusif, d'une vie réussie, accomplie.
    De plus en plus, le temps de sommeil est rogné ou perturbé par la télévisionite envahissante, la webomanie frénétique de l'homo connecticus.
                Nos insomnies sont souvent investies par les sollicitations d'une société marchande avide de temps, de cerveau disponible, selon le mot de P. Lelay. Le comble et le summum de cet accaparement est symbolisé par Las Vegas, une folie dans le désert, où le jeu ne connaît pas le sommeil, où l'obsession infantile de l'argent et de la réussite y atteint là des sommets renversants.
   Réduire ou suspendre plus ou moins durablement le sommeil est déjà l'objectif de recherches au sein des armées, mais cette obsession du temps gagné, quelles qu'en soient les conséquences, gagne tous les secteurs, car time is money:
: « On voudrait des gens capables de se passer de sommeil et de rester productifs et efficaces. Le but, en bref, est de créer un soldat qui ne dorme pas », résume Crary. Or, selon l'auteur, nous serions tous de bons petits soldats, mis au pas par un capitalisme global qui a presque tout colonisé sur son passage, grâce à la puissance de son tempo : le 24/7 – vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept. Le mot d'ordre implacable d'une vie sans pause.
Rivés à leurs écrans lumineux, qui les rendent corvéables de jour comme de nuit, offrant en pâture leurs secrets à l'ogre Facebook, les individus modernes ne savent plus où ne pas donner de la tête : « On accumule un patchwork d'identités de substitution qui vit sa vie en continu 24/7, qui ne dort jamais, et qui apparaît comme une contrefaçon inanimée de nous-mêmes plutôt que comme une extension du soi. » Sans cesse sollicités par cette nouvelle « économie de l'attention », les individus aux yeux cernés ricanent bien quand on leur rappelle le vieil adage selon lequel on passerait un tiers de sa vie à dormir ! Les huit heures de rigueur se sont réduites à six. Si le sommeil en a pris un sacré coup (et si l'industrie des somnifères se porte bien...), il demeure pourtant, pour Crary, le plus grand affront, insolent bastion de résistance à la « voracité » du capitalisme : difficile, en effet, d'attribuer une valeur au sommeil, alors que « la plupart des nécessités apparemment irréductibles de la vie humaine – la faim, la soif, le désir sexuel et, récemment, le besoin d'amitié – ont été converties en formes marchandes ou financiarisées ». Que tous ceux qui aiment la rêverie, les interstices et les temps d'arrêt se réfugient sans tarder dans les bras de Morphée ! "(M.Cerf)
   Le culte de la performance, pointé par A.Ehrenberg, tend à envahir tous les secteurs de la vie, ainsi que la dépendance par rapport aux exigences du marché, aux dépends de l'attention et de la citoyenneté.
         Déjà, le travail de nuit, ça nuit.
Il pose des problèmes de santé pour un nombre toujours plus grand de travailleurs, engendrant des cercles vicieux parfois fatals.
    20 à 40% des salariés se plaignent de leur sommeil avec pour principale conséquence la somnolence et son corolaire la baisse de vigilance...
   Le manque prolongé de sommeil peut avoir des conséquences désastreuses et neutraliser le sens critique, la pensée autonome.
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