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samedi 19 juin 2010

Hygiénisme d'hier et d'aujourd'hui

Les aventures de l'hygiénisme et ses dérives

-Les pauvres puent...


-L'hygiène est une chose...
L'hygiénisme, lui, est un courant, qui , au XIX° siècle, à la suite des premières conquêtes médicales, milite en faveur de conditions de vie individuelle collective et d'alimentation plus propices à la bonne santé. D'abord dans les classes aisées et cultivées, il est l'effet d'une prise de conscience de l'insalubrité des villes, des mauvaises conditions alimentaires et, plus tard, de la nécessité de l'exercice physique et du sport.Un mouvement historique positif donc, dans l'histoire européenne.
__Mais" le mot hygiénisme est aussi utilisé pour désigner une médecine non conventionnelle créée au XIX° par Herbert M. Shelton, qui prône l'autoguérison, le crudivorisme, le jeûne et la naturopathie : hygiène vitale",ce qui est déjà plus discutable, source de dérives basées sur la croyance naïve dans les bienfaits des apports naturels, souvent contre les principes de la médecine traditionnelle."L’hygiénisme contemporain, a été développée par un biologiste anglais, Shelton, au 20ème siècle. Sur le principe selon lequel tout être vivant tend naturellement vers la guérison, cet hygiénisme prône la santé par la diète, le refus de tout médicament et la naturothérapie." (V.Péan)


_[Herbert M. Shelton_(photo ci-contre]_______________________

- La notion "d'hygiénisme a été encore utilisée plus récemment pour désigner le discours sécuritaire et moral en matière de mode de vie et d’alimentation. Bref, un retour à la l’hygiénisme du 19ème siècle, c’est-à-dire à la grande entreprise d’assainissement menée en France à partir de 1870. La croisade des hygiénistes (le mot est apparu en 1830) obéissait à un projet politique que l’on retrouve dans bon nombre de mythes, depuis Platon jusqu’à Rabelais : un corps sain, une cité juste, une raison pure.
Cette grande œuvre de salubrité politique a certes permis de nettes avancées en termes bactériologiques, les découvertes pasteuriennes aidant, - c’est l’époque où l’on enterre les morts dans des cimetières, où le préfet Poubelle oblige les Parisiens à enfermer leurs déchets, où l’on canalise les eaux usées dans les égouts, où des campagnes de vaccinations s’opèrent. C’est la naissance de la santé publique, qui rejoint l’origine du mot grec, hygiène signifiant santé et désignant la branche de la médecine qui concerne le mode de vie adéquat pour conserver la santé et l’améliorer, principalement par l’hygiène corporelle.
_______Mais d’emblée, ce projet politique a opéré un amalgame délibéré, entre le corps humain et le corps social - une vision organique de la société -, la propreté et la pureté, la saleté et la souillure morale. . Ce grand ménage de printemps devait permettre de lutter contre les miasmes, les odeurs pestilentielles, la saleté des rues, la mortalité infantile, les épidémies - en l’occurrence la syphilis- et de fil en aiguille, la décadence, la souillure, la criminalité et les fléaux sociaux telles que la prostitution. Un objectif de moralisation donc, qui vise les pauvres, et un but clairement affiché d’amélioration de la race .
Dès lors, hygiénisme a flirté avec l’eugénisme : une amélioration de la race très intéressée : à des fins économiques et militaires (avoir des bras pour cultiver et des hommes pour guerroyer, après la défaite de 70). On le voit nettement dans les colonies, notamment au Maroc, où des brigades sanitaires ont littéralement raflé les pauvres, pour les désinsectiser et les revigorer dans des stations sanitaires et militaires. Cette politique hygiéniste s’est poursuivie jusqu’à la première guerre mondiale, relayée par la fondation Rockefeller, garante du bien-être de l’humanité, pour prévenir la tuberculose à travers la création des dispensaires et des visiteuses d’hygiène, la propagande d’un ministère de l’Hygiène, de l’assistance et de la prévoyance sociale...
." (Valérie Péan)_[_Hygiénisme, c'est du propre...]
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__L'hygiénisme a pu déboucher sur la raciologie, comme on le voit chez Martial (La race française), notamment sous certains régimes fascistes. Le sport-hygiène au service de la "race"
La pensé de Pierre de Coubertin flirtera avec ces thèmes
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____Aujourd'hui, de nouvelles formes d'hygiénisme se font jour. De nouvelles formes de régulation qui tendent à s'occuper de tout, une sorte de pouvoir qui touche à l'intimité par souci exclusif de contrôle, selon lequel:
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... il convient de ne pas dépasser les limites. Il est nécessaire de rester dans les frontières de son corps, de ne pas incommoder par son odeur, de respecter la privacy de l'autre. La propreté est donc un nouveau rapport au corps qui tient de la discipline. Elle est un discours social qui renvoie non pas à l'hygiène, mais au contrôle de soi (Vernex, 1994). C'est dans la rencontre de ces deux discours que naît l'hygiénisme, alors que l'on glisse de l'« hygiénique au moral » (Corbin, 1988).
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Les slogans l'affirment, « une société sera d'autant plus moralisée qu'elle sera décrassée » (Journal de la Société vaudoise d'utilité publique, 1869, cité par Heller, 1979). « L'individu qui s'est lavé, qui s'est débarbouillé, marche d'un pas alerte, le visage frais, l'esprit dispos, et peut réellement produire mieux et plus vite » (ibid.). Alors il faut laver. Tout, et tous. À commencer par les plus pauvres, « les classes dangereuses » pour reprendre l'expression de L. Chevalier (1958), « les monstres tapis dans le soubassement de la ville » (Corbin, 1991 [1998] : 216)_voir "Le miasme et la jonquille"_.
Ainsi, une nouvelle sensibilité olfactive se manifeste dans la diffusion de thèses qui démontrent scientifiquement que les pauvres dégagent une odeur plus intense, travaillant sur le socle des traités d'osmologie, qui depuis 1750, au moins, s'essaient à une taxonomie des odeurs urbaines, cherchent à en quantifier le volume per capita et élaborent une cartographie de leur répartition (Corbin, 1988 [1997]).

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Ainsi l'hygiénisme réalisera son projet moral en s'inscrivant dans l'espace — et singulièrement l’espace urbain — et dans les corps.
Il relève de ce que M. Foucault a appelé le "
biopouvoir" (1976 [1994]), un pouvoir de gestion de la vie, qui circule de proche en proche, dans des procédures de normalisation intersubjectives ; dans sa logique de fonctionnement, il tient de ce que M. Foucault, encore, a identifié comme des « micro-pouvoirs » (1975 [1993]). Présent partout et toujours, l'hygiénisme suit l'agent social et le contrôle pour son bien, passe par des institutions et des individus, par des discours et des actes. Comme les micro-pouvoirs de M. Foucault, l'hygiénisme produit de la parole plutôt qu'il ne la réprime ; il incite à l'aveu pour identifier le déviant. L'hygiénisme travaille la norme plus que la loi, attribut du Pouvoir et non des micro-pouvoirs..."
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Un hygiènisme qu débouche parfois sur une législation discutable
Elément d'identification et de conformisme, il est aussi souvent au service des affaires , du mythe du "corps parfait", des normes corporelles inatteignables et parfois dangereuses

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