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lundi 16 novembre 2009

Economie: enseignement à revoir






Sortir des séduisantes équations


Retrouver le sens de la réalité


Une "science" en question
__________________« Lorsque dans un pays le développement du capital devient un sous-produit de l’activité d’un casino, le travail est susceptible d’être bâclé. » (Keynes)

-"Début 2008, Guy Sorman, dans son livre "L'économie ne ment pas", annonce que celle-ci "n'est plus une opinion, c'est une science". Conclusion : "Le temps des grandes crises semble passé parce que les progrès de la science permettent de mieux les comprendre et de mieux les gérer". D'ailleurs, l'Institut Montaigne ne déclarait-il pas, en 2006, que "la complexité [du système bancaire] fait sa force et l'aide à résister aux crises". Et David Thesmar, élu "Meilleur jeune économiste" en 2007, d'en rajouter une louche : "Grâce à des instruments innovants comme la titrisation et les dérivés de crédit, chaque risque de défaut, au lieu d'être porté par une seule banque, est ventilé par un grand nombre d'acteurs". Quelques mois avant que le château de carte ne vacille..."

-"Nous, économistes universitaires et professionnels, sommes de plus en plus nombreux à déplorer l’orientation académique et intellectuelle qu’a prise notre discipline depuis plusieurs années. Le constat est désormais préoccupant et signifie à plus ou moins brève échéance la fin du pluralisme dans la pensée économique et, par là même, l’absence de tout débat économique. Le constat est désormais accablant : ossification des canons de la scientificité autour de normes extérieures à toute interrogation proprement économique (promotion des publications dans les revues au détriment des ouvrages ; disqualification des travaux en langue française ; confrontations empiriques bornées aux seuls tests économétriques) ; abandon de tout débat théorique ou méthodologique dans un champ qui pouvait s’enorgueillir d’avoir connu de grandes controverses scientifiques ; danger d’annexion des autres sciences sociales par une science économique définie comme un ensemble de techniques « éprouvées » (théorie des jeux, économétrie) en lieu et place d’un dialogue véritable entre les disciplines ; incapacité de l’économie dominante à proposer une lecture du monde susceptible d’éclairer et de nourrir le débat démocratique. Cette réduction de la recherche à la seule technique, au détriment de toute réflexion critique, s’accompagne d’un appauvrissement des enseignements « officiels », qui nous conduits à nous cacher derrière d’autres disciplines, pour continuer, malgré tout, à attirer des étudiants dans les amphis de nos universités…Cette orientation est inacceptable, mais il faut garder à l’esprit qu’elle n’a rien d’irréversible..." (Collectif)
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Pourquoi les économistes se sont plantés:
"...Les libéraux qui ont dominé la discipline ces deux dernières décennies, au point de recevoir des Prix Nobel et de faire disparaître de l’enseignement les idées keynésiennes (et marxistes), sont beaucoup plus radicaux que Milton Friedman lui-même : le grand tueur de Keynes est, en effet, en comparaison, très… keynésien par rapport aux délires d’Eugène Fama (père de la théorie de l’efficience des marchés) ou de John Cochrane, tous deux professeurs de finance à la Business School de l’université de Chicago.Pour ces auteurs, s’il y a du chômage de masse, c’est tout simplement parce que, les salaires étant plus bas, les salariés… préfèrent ne plus bosser du tout, le travail n’étant plus suffisamment rémunérateur pour compenser l’effort qu’il leur coûte. Et, aussi, pour eux, les récessions sont bénéfiques, elles permettent de purger l’économie des entreprises les moins efficaces : après la crise, l’économie repart, plus belle, plus propre, plus saine… Evidemment, pendant la crise, il y a des dizaines de millions de chômeurs, mais les économistes, dont le salaire n’est pas fonction de la qualité de leur analyse, n’en font pas partie.Ces affirmations sont absurdes. Mais, comme le relève Krugman, elles sont inévitables si vous faites l’hypothèse que les personnes sont rationnelles et que les marchés fonctionnent toujours efficacement. Dans ce cas, en effet, le chômage ne peut être que la conséquence du retrait du travail des salariés, et les récessions ne peuvent être qu’une bonne chose. Il n’est pas possible de parvenir à un autre résultat...."

Nous nous sommes tant trompés:
Rien dans les modèles dominants ne suggérait l’éventualité d’un effondrement du type de ce qui s’est déroulé l’an dernier, » se désole Krugman. Comment la profession dans son immense majorité a-t-elle pu s’égarer au point d’estimer avec Robert Lucas que le « problème central de la dépression - celui de sa prévention - a été résolu » ? Krugman attribue cette cécité au travers consistant à confondre la « beauté » de formalismes mathématiques avec leur pertinence - sans omettre de mentionner également l’attrait de quelques incitations sonnantes et trébuchantes - et retrace les étapes de cette dérive. Une fois estompé le souvenir de la crise de 1929, dit-il, ses leçons ont été oubliées et la discipline s’est auto-persuadée que ses modèles, où d’improbables agents rationnels interagissent sur des marchés parfaits, forcément parfaits, pouvaient décrire le réel. Ainsi, afin de préserver l’élégance et la force de leurs démonstrations, les économistes se sont autorisés puis accoutumés à se désencombrer de quelques infimes scories du monde, d’insignifiants détails tels l’aveuglement, la vanité et la déraison qu’engendrent une cupidité sans borne, le sentiment de toute puissance et les comportements moutonniers. Le réveil est rude....
Peu d’économistes ont vu venir la crise actuelle, mais cet échec de la prévision est le moindre des problèmes de la discipline. Le plus important était celui de la cécité de la profession sur la possibilité de défaillances catastrophiques dans une économie de marché. Durant l’âge d’or, les économistes financiers en vinrent à croire que les marchés étaient fondamentalement stables - que les actions et autres actifs étaient toujours cotés à leur juste prix. Rien dans les modèles dominants ne suggérait l’éventualité d’un effondrement du type de ce qui s’est déroulé l’an dernier. A l’époque, les macro-économistes étaient divisés. Mais la principale divergence se situait entre ceux qui insistaient sur le fait que les économies de marchés ne déraillent jamais et ceux qui estimaient que l’économie peut déraper ici où là, mais que tout écart important hors de la voie de la prospérité pourrait et devrait être corrigé par la toute-puissante Fed. Aucun des deux camps n’était préparé à faire face à une économie qui sortirait de ses rails en dépit des plus grands efforts de la Fed...._______________Dans la foulée de cette crise, les lignes de faille parmi les économistes se sont approfondies comme jamais. Lucas affirme que les plans de relance de l’administration Obama sont de « l’économie de pacotille », et son collègue de Chicago John Cochrane estime qu’ils sont basés sur des « contes de fées » discrédités. En réponse, Brad DeLong, de l’Université de Berkeley en Californie, parle de « l’effondrement intellectuel » de l’école de Chicago...___Qu’est-il arrivé à la profession des économistes ? Quel sera son futur ?_A mon avis, les économistes se sont égarés, car ils ont, en tant que groupe, confondu la beauté - revêtue d’imposants atours mathématiques - avec la vérité. Jusqu’à la Grande Dépression, la plupart des économistes s’accrochaient à une vision du capitalisme perçu comme un système parfait ou presque. Cette vision devint indéfendable face à un chômage de masse, mais lorsque le souvenir de la Crise s’est estompé, les économistes sont revenus à leurs anciennes amours, avec une vision idéalisée d’une économie dans laquelle des individus rationnels interagissent dans des marchés parfaits, vision cette fois habillée d’équations sophistiquées. Cette nouvelle romance avec le marché a été idéalisée, il est vrai, en partie en réponse à l’évolution des tendances politiques, en partie en réponse à des incitations financières. Mais bien que les congés sabbatiques de la Hoover Institution et les opportunités d’emploi à Wall Street ne soient pas choses négligeables, la cause centrale de l’échec de la profession provient d’un désir de disposer d’un modèle englobant tout, intellectuellement élégant, procurant également aux économistes l’occasion d’exhiber leurs prouesses mathématiques.___Malheureusement, cette vision idéalisée et aseptisée de l’économie a conduit la plupart des économistes à ignorer tout ce qui peut mal tourner. Ils ont fermé les yeux sur les limites de la rationalité humaine qui engendrent souvent des bulles et des faillites, sur les problèmes des institutions devenues folles, sur l’imperfection des marchés - notamment financiers - qui peut provoquer des pannes subites et imprévisibles dans le système d’exploitation de l’économie, et sur les dangers qui surgissent lorsque les régulateurs ne croient pas eux-mêmes à la réglementation._Il est beaucoup plus difficile de dire vers quoi la profession va se diriger désormais. Mais ce qui est à peu près certain, c’est que les économistes vont devoir apprendre à vivre avec le désordre. Autrement dit, ils devront reconnaître l’importance des comportements irrationnels et souvent imprévisibles face aux imperfections souvent intrinsèques des marchés et devoir accepter qu’une élégante « théorie du tout » soit encore très éloignée. En termes pratiques, cela se traduira par plus de conseils de politique prudente - et une moindre volonté de démanteler les garde-fous économiques en ayant foi que les marchés pourront résoudre tous les problèmes
...." >-How Did Economists Get It So Wrong?___________>-Krugman contre les économistes

-Le mouvement Autisme-Economie:
"...Il existe donc un gouffre entre, d’un côté, ce que les économistes enseignent et célèbrent, et, de l’autre, ce qui est utile pour analyser nos sociétés. Ce constat n’est pas nouveau. En juin 2000, nous avions publié, avec d’autres étudiants et enseignants de la discipline, une « Lettre ouverte » qui dénonçait déjà cette situation. Ce mouvement était rapidement devenu international. Les politiques avaient été interpellés. A la demande de Jack Lang, ministre de l’Education Nationale d’alors, un rapport avait été rédigé par Jean-Paul Fitoussi. Il est en bonne partie resté lettre morte. Le Manifeste demandait notamment que l’enseignement de l’économie accorde une plus grande importance à l’histoire des faits et des théories, y compris les plus récentes. L’euphorie qui régnait avant la crise n’en était-elle pas un signe avant-coureur, que les économistes auraient pu mieux décrypter s’ils avaient été plus familiers avec l’histoire des crises et des théories qui essayaient de les expliquer ? Avec le recul, la macroéconomie apparaît surtout comme une suite de théories dont la logique a plus à voir avec l’air du temps – en fonction du rapport de force entre partisans et ennemis de l’intervention de l’Etat – qu’avec un quelconque "progrès de la science"....

-Tribune du Monde (Autisme-Economie.org)
-Pour une Association Française d’Économie Politique
-Les économistes pouvaient-ils prévoir la gravité de la crise ?
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- Aveux d'économistes
-Faillite des économistes...

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