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vendredi 13 novembre 2009

Banques: hold-up sur l'Europe

Lobbying financier antiréforme au coeur du système


Quand Bruxelles favorise ce qu'elle condamne



La
"trahison des élites" continue...

L’Europe ne dit pas ce qu’elle fait ; elle ne fait pas ce qu’elle dit. Elle dit ce qu’elle ne fait pas ; elle fait ce qu’elle ne dit pas. Cette Europe qu’on nous construit, c’est une Europe en trompe l’oeil »(P.Bourdieu)

-"Les accords conclus aujourd'hui entre 27 grands pays sont essentiels, car ils établissent de nouvelles règles de régulation bancaire et de surveillance, à l'échelle globale"( le président de la Banque Centrale Européenne Jean-Claude Trichet)
Vraiment?

___Réguler les régulateurs?_______
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La régulation financière joue l'arlésienne - AgoraVox:
"C’est ALTER EU (Alliance for Lobbying Transparency and Ethics Regulation), un groupe d’information sur le lobbying à Bruxelles, qui met les points sur les ’i’ : la grande majorité des experts financiers qui conseillent la Commission européenne représentent des banques et des investisseurs responsables de la crise économique globale. C’est ce que dit un rapport intitulé "Une Commission captive".
On sait au vu des textes européens que ladite Commission a une fâcheuse tendance à prêter une oreille attentive aux lobbies divers et variés. Mais, surtout ceux des banques (cf. CECA, Marché commun, "concurrence libre et non faussée", euro etc.).
En général, les lobbies et autres s’incrustent dans les groupes d’experts que la commission réunit systématiquement avant de légiférer. Ou alors, ils sont carrément à l’origine des textes.
En l’occurrence, il s’agit de peser sur les décisions qui seront prises (ou pas, du coup), en matière de régulation.
Le système est simple : des "groupes d’experts" (qui pullulent) conseillent les représentants européens de la Commission en matière de finances.
Détail important : les groupes d’experts en question sont largement composés de personnes issues de l’industrie financière, y compris celle des paradis fiscaux. Dans les 19 de ces groupes qui conseillent en matière de politique financière, il y a 229 personnes issues de ladite industrie, contre 150 issues de la société civile.
Et c’est pareil dans tous les groupes, en fait. Alter Eu a observé au moins 110 groupes d’experts dans lesquels les représentants du monde des affaires sont le groupe le plus important, et 40 dans lesquels ils sont plus nombreux que les représentants de la société civile, les élus, les syndicats etc.
Du coup, pour résumer, les banques fixent elles-mêmes les risques qui leur conviennent. Comme par hasard, depuis des plombes, la tendance est au laxisme. Ce qui nous a amené là où on en est aujourd’hui. Mais, bref.
C’est ainsi que, par exemple :
- la régulation des hedge fund a été confiée à des groupes d’experts qui ont recommandé de continuer avec la régulation "light" qui a tant bénéficié à tout le monde...
- les agences de notation des crédits (qui sont censées évaluer les risques encourus avec un crédit ou une obligation) ont expliqué à la Commission que des règles de notation n’étaient pas nécessaires. Pourtant, il est vrai que les notations excessivement euphoriques desdites agences ont largement contribué à l’emballement sur les crédits pourris qui a mené à la crise.
On retrouve donc des personnes représentant de banques telles que Barclays, ABN Amro, Merrill Lynch, Lloyds, Goldman Sachs, Paribas, BNP… qui ont participé aux groupes de travail préparatoires au FSAP (Financial Services Action Plan) de la Commission, censé réguler le secteur financier européen. Sans surprise, les normes sont un peu moins contraignantes à chaque révision.
Après avoir établi ces normes, la Commission s’est occupée en 2001 de réformer la manière dont sont prises les décisions européennes en matière de régulation financière, afin de les « harmoniser » et de créer un marché commun des services financiers. Détail significatif : on appelle ça le « Lamfalussy Process », du nom du banquier qui a piloté le groupe de travail.
Je vous le donne en mille : ledit groupe était composé de huit personnes, dont 4 membres de fonds d’investissement, deux banquiers nationaux, et un du New York Stock Exchange.
Ce sont des groupes comme le Committee of European Banking Supervisors (CEBS), le Committee of European Insurance and Occupational Pensions Supervisors (CEIOPS, dont 14 des 17 membres sont liés au secteur financier privé), et le Committee of European Securities Regulators (CESR, composé de 13 représentants du secteur financier privé) qui mettent les réformes sur les rails et les font avancer jusqu’au bout.
En pleine crise, le « groupe de Larosière », du nom du leader du groupe1] qui est aussi conseiller du PDG de BNP Paribas, est mis en place pour conseiller la Commission sur les moyens de réformer l’industrie financière. La Commission, fort conciliante (ou confiante, on ne sait trop), a déclaré d’avance qu’elle serait d’accord avec les conclusions du groupe, histoire de mettre tout le monde en confiance.
Sur huit membres, quatre sont liés aux grandes multinationales de la finance impliquées dans la crise, à savoir Lehman Brothers (représentée par Rainer Masera), Goldman Sachs (par Otmar Issing), BNP Paribas (de Larosière) et City group (Onno Ruding). Un cinquième, Callum McCarthy était à la tête de l’autorité de régulation des Services Financiers anglais, et un autre s’est déjà affiché par son opposition à toute régulation.
Au final, au lieu de régulation, on a parlé de mettre en place des « systèmes d’alerte ». Même Le Monde l’a dit : « Le groupe d’experts renoncerait, en revanche, à la mise au point de règles de contrôle uniformes pour l’ensemble des Vingt-Sept, comme le réclamaient certains Etats ». Et hop, un beau travail de sape de réussi ! A aucun moment le parlement n'a été consulté.
Le processus normatif : entre initiés
__________Les propositions de la Commission en matière financière sont principalement initiées par la Direction Générale du Marché Intérieur, dirigée par Charlie Mc Creevy. Cette DG utilise les expertises de 19 groupes composés de 538 experts. Un seul de ces groupes a à peu près autant de membres issus des ONG que des entreprises financières. Au final, 84% des « membres de la société civile » viennent tout droit de l’industrie financière, en particulier de la Deutsche Bank, BNP Paribas, la Société Générale et SWIFT, un système d’échanges européen.
Pourquoi la crise est elle survenue ? A cause de l’absence de contrôle et de régulation des activités spéculatives. Alors le citoyen peut s’interroger : pourquoi a-t-on laissé des margoulins jouer avec des milliards, sans aucun contrôle ?
Eh bien, tout simplement parce que ce sont les margoulins en question qui ont fait les règles en matière de contrôle et de régulation. Conclusion : l’auto régulation fut un bide. Total.
En 2004, le Basel Committee on Banking Supervision (BCBS), le comité de Bâle, crée par les gouverneurs des banques centrales d’une dizaine de pays, a élaboré la norme Basel II ( ou Bâle II). Le but était officiellement de calculer un standard de cash que les banques doivent avoir pour assurer leurs énormes crédits. Mais au final, la norme n’est pas obligatoire…
Bâle II, évidemment, a été élaborée par les mêmes groupes d’experts que les « normes » précédentes, si toutefois on peut encore parler de normes, et le BCBS est composé de représentants des banques centrales et des pays du G-10.
Bâle II, donc, permettait aux banques d’évaluer elles-mêmes les risques liés à leurs investissements, ce qui leur a permis de faire apparaître des actifs toxiques comme solides. On ne s’étonnera donc pas que Lehman Brothers, par exemple, était encore notée AAA la veille de sa faillite.
Et puis, les agences de notation des crédits n’ont pas été regardantes non plus : normal, elles sont payées par les banques et assurances qu’elles auditent !
Le processus a été le même pour réguler les hedge fund, les agences de notation de crédit etc. Pour ces dernières, c’est un groupe d’experts composé de KPMG, Price Waterhouse Coopers, Deloitte, Ernst & Young et surtout l’European Round Table qui est si souvent à l’origine des directives de la commission, qui a travaillé sur la réforme.
Si bien qu’il a été impossible de créer des standards comptables pertinents : l’International Accounting Standards Board (IASB) était encore le fruit d’une auto régulation. Certaines normes, comme IAS 32 et IAS 39, portant sur les fonds propres, ont d’ailleurs fait l’objet de nombreuses et vives polémiques.
Les agences de notation de crédit sont des institutions privées qui analysent et classifient les risques liés aux différents produits financiers. Le hic : les spéculateur leur ont fait une confiance aveugle. Le scandale Enron, où on a vu l’agence d’audit Andersen surnoter la boîte dont les comptes bidon étaient en réalité dans le rouge depuis des plombes. Au final l’Etat avait (un peu) resserré la vis aux dites agences.
En 2004, la Commission consulte le Committee of European Securities Regulators afin qu’il mette au point un système de régulation. Que fait le CESR en premier lieu ? Nommer un groupe d’experts. Et pour ceux qui ont suivi, quel est le point de vue dudit groupe d’experts ? Qu’il n’y a pas besoin de réguler les agences de notation, pardi !...
On aurait pu croire qu’avec la crise, les banquiers et spéculateurs de tout poil auraient compris qu’il est temps de réformer sérieusement les choses. Sarko s’est agité tout l’hiver pour réformer la finance mondiale, paraît-il, et les médias français n’ont pas manqué d’applaudir (on a eu droit à des titres tels que « Sarkozy a transcendé les écarts sur la régulation » ou « Accord historique au G 20 », etc »…).
En fait -qui s’en serait douté ?- rien n’a changé, non rien de rien.
____Prenons juste un exemple : au G 20, en fait, il a surtout été question de ne rien changer. Et les quelques timides décisions qui ont été prises n’ont toujours amené aucune réforme, six mois après. On a parlé d’un nouveau monde, ou presque, mais de quelles mesures s’agit-il ?
- augmentation des pouvoirs et des fonds du FMI (quant à la « réforme » annoncée, je me demande de quoi il s’agit : le fonctionnement et les principes sont les mêmes, les Etats-Unis ont toujours un droit de veto avec 17% des voix, les conditions des prêts n’ont pas changé non plus)
- fixation presque maniaque sur les rémunérations des traders. Ce qui, en plus d’être accessoire, n’a servi à rien,
- pseudo contraintes à quelques paradis fiscaux, mais en effet quand on sait que BNP Paribas, par exemple, a 189 filiales dans des paradis fiscaux, on comprend que les mesures n’aient pas été contraignantes là non plus
- « maintien des politiques expansionnistes » pilotées par les banques centrales et ce « d’une manière compatible avec la stabilité des prix » (c’est-à-dire qu’il faut limiter l’inflation, donc les salaires, selon la logiques desdites banques centrales)
- « renforcement » de la coopération internationale pour établir des systèmes d’alerte précoces en cas de crise. Bonne idée, mais comment ? Avec quels instruments ? Quelle autorité ? Quels pouvoirs ?
- reconnaissance de la nécessité d’améliorer les normes comptables. Super, et après ?
Au final, on a continué avec exactement les mêmes acteurs, les mêmes règles et le même système. On a endormi l’opinion publique avec des titres grandiloquents et des discours, mais rien ne se passe...."
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-Banques choyées
-G-20 en vain?

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