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samedi 8 décembre 2007

Mythologies journalistiques ?



Des faits à l'information : réflexion sur un processus complexe et souvent occulté :

Les faits: la matière même du journalisme, les données à partir desquelles on élaborerait l'"information", construirait un éclairage sur le monde. Tout paraît simple: il y aurait les faits d'un côté, patiemment récoltés par une investigation minutieuse, dans le meilleur des cas, et ensuite la construction d'une interprétation de ces faits, aussi honnête que possible, là aussi dans le meilleur des cas. Ce schéma idéal est d'un grand simplisme, comme nous le montre P.Villach, à propos du projet de E.Plenel de fondation d'un nouveau journal en ligne:

"...
On retrouve, enfin, sous la plume d’É. Plénel les mêmes erreurs qu’il n’a cessé de propager avec sa profession dans le but d’acquérir un crédit à peu de frais. S’il convient volontiers que « le jugement, le point de vue, l’analyse ou le commentaire, l’analyse et l’engagement, l’expertise et la connaissance ne sont pas (la) propriété exclusive (du journaliste) », et qu’il se félicite de cette redécouverte, c’est pour aussitôt attribuer d’office au journaliste celle de la transmission des « informations », des « faits » et des « réalités ». Et revoilà revenues par la fenêtre la distinction fallacieuse entre « fait » et « commentaire » et la définition erronée de l’information présentée comme « un fait », base erronée d’« une théorie promotionnelle de l’information » répandue par les médias depuis des lustres.

- É. Plénel n’a pas varié sur ce point, au moins depuis son ouvrage La Part d’ombre publié en 1994. La rédaction du Monde dont il était le directeur, reprenait huit ans plus tard une même conception du journalisme dans la brochure L’Esprit du Monde en janvier 2002 : « L’information du Monde doit être honnête et équilibrée, lisait-on. Cela signifie en premier lieu qu’elle doit être scrupuleusement dissociée du commentaire : priorité doit être donnée à l’établissement des faits, aussi impartialement que possible, sur le jugement que ceux-ci suscitent ». Le Monde, était-il ajouté, « a naturellement pour but de permettre aux lecteurs de faire le tri entre ce qui relève des faits, qui doivent être considérés comme sacrés, et ce qui relève du commentaire, libre par définition ». Les révélations de Laurent Mauduit, évoquées plus haut, montrent l’usage qui peut être fait de ses professions de foi, la main sur le coeur !

- Interrogé par la revue Médias (n° 3) en décembre 2004, après sa démission, E. Plénel, lui-même, répétait invariablement ce « credo » : « Un bon journal, c’est d’abord un journal honnête. Un journal dont je connais les règles de production, qui ne me fourgue pas une marchandise clandestine, qui ne mélange pas l’information et le commentaire, qui ne biaise pas, qui ne ment pas par omission, qui vérifie ses informations, n’oublie jamais de les sourcer et s’efforce de les contextualiser (...) »

- Au martèlement de l’erreur doit répondre celui de sa correction. On ne répétera jamais assez que l’on n’accède jamais à « un fait » par ses médias (les cinq sens, les postures, l’apparence physique, les mots, les silences, les images, les diverses prothèses électroniques, etc.) - qui par nature s’interposent entre soi et la réalité. Ainsi une information n’est- elle pas « un fait », mais « la représentation d’un fait plus ou moins fidèle qu’on garde secrète, livre volontairement ou extorque, selon ses intérêts » : autant dire qu’ « un fait » est indissociable du « commentaire » qui le livre, et qu’on ne peut l’en extraire comme on tire le radium de la pechblende. Le journaliste peut bien enquêter sur le fameux « terrain », comme aime à dire É. Plénel et ses collègues. Ce qu’il en rapportera pour autant, ne sera jamais « le terrain », mais « une carte » de ce terrain plus ou moins fidèle, selon le mot de Paul Watzlawick, disparu en mars dernier. Pour le lecteur qui veut en savoir plus, il suffit qu’il se reporte à plusieurs articles précédents qu’on a publiés sur Agoravox, et en particulier « La leçon tragique de journalisme de Géraldine Muhlman sur France-Culture » ou « Si le JT n’est ni de l’information ni du journalisme, alors qu’est-ce que c’est ? ».

On souhaiterait que les promoteurs de ce nouveau journalisme comprennent que c’est leur propre avenir qu’ils engagent dans le choix d’ « une théorie de l’information » qui arme ou désarme leurs lecteurs ou auditeurs contre la crédulité. Ils ont tout à gagner à long terme à mettre sur la table les contraintes d’airain qui s’exercent sur « la relation d’information » au lieu de ruser une fois encore. Contre la pression implacable exercée sur l’information par la contrainte des motivations de l’émetteur et par celle des médias, comme l’emprise des « ressources » (propriétaires et annonceurs), un lectorat averti est un bouclier plus sûr qu’une simple profession de foi déontologique.

É. Plénel et l’équipe de Médiapart s’inscrivent, disent-ils, dans la lignée d’Albert Camus, animateur du journal Combat, issu de la Résistance, décidément très sollicité aujourd’hui. Comme lui, soutiennent-ils, ils ont l’ambition « à (leur) place et pour (leur) faible part, (d’) élever (le) pays en élevant son langage ». La première preuve de cette volonté d’ « élévation du langage » ne commence-t-elle pas par l’abandon des erreurs d’ « une théorie promotionnelle de l’information » qui n’a que trop désorienté jusqu’ici les citoyens ? L’École qui s’est toujours refusée à cette correction, serait, après, bien obligée de suivre." (Paul Villach):


http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=32674
A propos du JT :(P.Villach):http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=32374
http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=32865

Nouvelles formes de désinformation: http://www.huyghe.fr/actu_488.htm


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