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samedi 8 décembre 2007

Marché et infantilisation


Le capitalisme nous prend pour des enfants… que nous sommes devenus (B.Barber)

Consommateurs ou citoyens ?

"...l'infantilisme a assimilé les tendances utilitaristes et instrumentalistes de notre époque et s'en est servi pour démontrer les « vertus » supposées de la puérilité. Les tensions entre facile et difficile ont posé problème à toutes les sociétés, mais la nôtre est peut-être la première à voir les institutions adultes prendre parti pour le facile. Elles récompensent la facilité et pénalisent la difficulté. Elles promettent des profits à vie à ceux qui prennent des raccourcis et simplifient le complexe à toute occasion. Perte de poids sans exercice, mariage sans engagement, peinture ou piano par les chiffres sans pratique ni discipline, « diplômes d'université » par Internet sans suivre de cours ni apprendre, succès sportifs avec anabolisants et fanfaronnades. En politique étrangère, la noble stratégie mondiale du président Bush en faveur de la liberté se situe pleinement dans l'éthos de la facilité, car elle est faite de mots sans conséquences : guerre sans conscription, idéalisme sans impôt, morale sans sacrifice et vertu sans effort. L'exact contraire de l'éthique protestante : ce n'est plus « sans effort on n'a rien », c'est « on a tout sans effort ». Une vision du monde issue d'un rêve d'enfant, ou` il suffit de dire « je veux que ce soit comme ça » pour que ce soit comme ça. Un monde où, comme le penseur critique Slavoj Zizek l'a bien souligné, le marché consumériste propose des produits qui facilitent le choix – « des produits privés de leurs propriétés nocives : café sans caféine, crème sans matière grasse, bière sans alcool... le sexe virtuel comme sexe sans sexe, la doctrine Colin Powell de guerre sans victimes (dans notre camp, bien sûr) comme guerre sans guerre, et la redéfinition de la politique en gestion technocratique comme politique sans politique ...». (extrait)

Le consommateur-roi ne se contente pas d'être un grand gosse, c'est aussi un redoutable égoïste, supportant de moins en moins les compromis qu'impose la vie en société. La haine de l'Etat qui découle du tout-marché est hautement dangereuse, explique Benjamin Barber. « Quand on affirme aujourd'hui que seules les personnes privées sont libres, que seuls les choix personnels comme ceux que font les consommateurs sont autonomes, ces idées attaquent non la dictature mais la démocratie. » Dans un des chapitres les plus intéressants du livre, l'auteur dénonce la privatisation par le gouvernement américain de la plupart de ses fonctions régaliennes, notamment dans le domaine de la sécurité tant extérieure (l'Irak) qu'intérieure (après le passage de Katrina sur la Floride). Le gouvernement américain dépense chaque année 100 milliards de dollars (70, 27 milliards d'euros) de plus pour payer ses divers sous-traitants que pour payer ses fonctionnaires, note-t-il. « C'est la souveraineté elle-même qu'on externalise », dénonce Benjamin Barber, qui juge également qu'avec la privatisation de l'éducation, de la politique du logement ou des retraites, les Américains sont « moins un peuple qu'avant ».

Bien dit de la part de quelqu'un qui a (re)lu Rousseau...Une voix américaine qu'on n'espère pas isolée...

Culture McWorld contre démocratie, par Benjamin R. Barber (Le Monde diplomatique) : -à lire absolument (extrait ci-dessous)-

Repenser la démocratie selon Barber:
Démocratie forte

"...
Le gouvernement que l’on démantèle en notre nom est en réalité le seul garant de nos libertés et de nos intérêts communs. Le détruire, ce n’est pas nous émanciper, mais nous faire passer sous le joug des entreprises mondiales et du matérialisme consumériste. Cette évidence a d’ailleurs été admise par des conservateurs américains tels MM. William Bennett et Patrick Buchanan. Les marchés ne sont pas là pour faire ce qui incombe aux communautés démocratiques. Ils nous permettent, en tant que consommateurs, de dire aux fabricants ce que nous voulons. Ou plutôt ils permettent aux fabricants, via la publicité et la persuasion culturelle, de nous dire ce que nous voulons. En tout cas, ils nous empêchent de dialoguer entre citoyens pour discuter des conséquences sociales de nos choix privés de consommateurs. Le consommateur peut désirer une voiture capable d’atteindre 220 km/h, mais le citoyen voter pour une limitation de la vitesse qui économisera l’essence et préservera la sécurité sur les routes..." BARBER (Monde Diplo-extraits-)
Changer le monde et se changer par Jean-Marie Harribey
Robert Reich : le « supercapitalisme » menace la démocratie

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